Robert Mapplethorpe serait-il encore si sulfureux qu’aborder son œuvre, vingt-cinq ans après sa mort, nécessiterait d’occulter certaines parties de sa création et de lisser son image ?
Au point, par exemple, de ne jamais aborder le sida qui l’emporta ? On peut le penser en sortant de la rétrospective – la première en France – que lui consacre le Grand Palais en collaboration avec la Fondation Mapplethorpe [jusqu’au 13 juillet 2014]. Car comment peut-on aborder la question du corps et de la sculpture chez le photographe américain, axe directeur du propos, sans revenir à Black Book et à son découpage de corps noirs qui suscita une campagne d’indignation aux États-Unis ? La littéralité des photos mise en résonance avec des citations du photographe ne suffit pas à traiter de sa statuaire ; pas plus que la galerie de portraits ne peut se passer d’expliquer quel rôle essentiel jouèrent John McKendry et Sam Wagstaff, notamment, sur sa formation à la sculpture et à la peinture. Le manque d’analyse scientifique, l’absence d’appareil critique et de cartels dans ce temple des grandes monographies interroge sur le traitement de la photographie au Grand Palais. Il faut donc aller au Musée Rodin pour trouver plus de rigueur, et ce bien que Mapplethorpe n’ait jamais cité Rodin parmi ses références et que tout les oppose, en particulier la surpuissance des corps chez le photographe américain, étrangère à la sensualité de ceux du sculpteur [jusqu’au 21 septembre]. Il reste que, dans ce jeu de correspondances visuelles, admirablement mis en scène par Nathalie Crinière, les photographies de Mapplethorpe gagnent un peu de vie.
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Un Mapplethorpe bien mal servi
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°669 du 1 juin 2014, avec le titre suivant : Un Mapplethorpe bien mal servi