PARIS
Une exposition de peinture chinoise ancienne est une joie aussi rare que céleste : elle nous transporte au-delà des soucis de ce monde.
La dernière, « Montagnes célestes », remontait à 2004, au Grand Palais. C’est donc une occasion précieuse que nous offre le Musée Cernuschi en exposant une centaine de chefs-d’œuvre des plus grands maîtres des dynasties Ming et Qing, du XIVe au XVIIIe siècle. Ils ont été réunis pendant de longues décennies par un collectionneur mort presque centenaire, avant d’être donnés au Musée d’art de Hong Kong en 2018. Ce collectionneur, Ho lu-kwong, avait nommé cet ensemble Chih Lo Lou, soit « pavillon de la félicité parfaite », selon la tradition des lettrés chinois qui donnaient à leur studio (leur atelier), réel ou imaginaire, un nom littéraire exprimant leur personnalité ou leurs aspirations. Cependant, sa collection exceptionnelle par sa qualité ne se contente pas de nous donner à contempler de sublimes œuvres individuelles, elle nous entraîne dans une véritable épopée. La quête artistique d’un lieu hors du monde s’y confronte aux drames de l’histoire. Ainsi, la chute de la dynastie des Ming structure cette exposition à la fois contemplative et narrative. Lorsque Pékin tombe aux mains des rebelles en 1644, le pouvoir revient aux Mandchous qui fonderont la dynastie des Qing. Nombre de peintres et calligraphes dont les peintures exprimaient l’aspiration à une vie retirée du monde et qui aimaient à faire référence dans leurs œuvres aux artistes du passé, fuient dans ces montagnes qu’ils avaient peintes, qui deviennent pour eux un refuge terrestre. Une forme de calligraphie nouvelle, où transparaît avec force la singularité de l’artiste, voit le jour. Si un classicisme s’impose au terme d’une transition dynastique de 40 ans, certains, à l’instar de Bada Shanren, dont on admire par exemple un étonnant poisson nageant dans la feuille, ou Shitao, qui nous surprend encore par le dynamisme de son trait, créent désormais aux marges de la société, insufflant discrètement un souffle nouveau dans l’histoire de l’art : ce sont eux qui, trois siècles plus tard, inspireront les artistes du XXe siècle. On sort de l’exposition le cœur battant.
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Un exceptionnel voyage en Arcadie chinoise
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°750 du 1 janvier 2022, avec le titre suivant : Un exceptionnel voyage en Arcadie chinoise