Depuis une trentaine d’années, Annick et Anton Herbert constituent une collection d’art contemporain, fruit de leur engagement et de leur fidélité à quelques artistes actifs des années soixante à aujourd’hui. Près de quatre-vingts œuvres de cet ensemble sont actuellement exposées au Casino Luxembourg, une occasion unique pour le public de découvrir ces pièces habituellement conservées dans l’ancienne usine qu’habitent les collectionneurs à Gand.
LUXEMBOURG - Many colored objects placed side by side to form a row of many colored objects. La périphrase de Lawrence Weiner, déjà installée en 1982 pour la Documenta VII de Cassel, qui s’étend actuellement sur la façade du Casino Luxembourg, le centre d’art de la ville, annonce le programme. En entrant dans le bâtiment apparaissent en premier lieu les divans recouverts de tissus africains de Franz West, une installation qui, par son titre, renvoie (involontairement) à Lawrence Weiner : Ordinary Language. Ces œuvres sont aussi représentatives de deux des axes principaux de la collection : d’une part l’art conceptuel et minimal, de l’autre un travail inspiré par la culture populaire.
Annick et Anton Herbert ont débuté leur collection en 1973, à l’époque où ils fréquentent notamment Fernand Spillemaeckers, le directeur de la galerie MLT, à Bruxelles. Leurs choix s’orientent vers les artistes de l’art minimal et de l’art conceptuel, à commencer par Carl Andre. L’aquarium, vaste véranda construite par Prouvé, accueille au Casino un ensemble exceptionnel de cinq œuvres de l’artiste, dont l’immense Voie d’Acier (1985) constituée de quatre-vingt-huit éléments et mesurant, en tout, plus de vingt-six mètres. À l’instar d’Andre, les artistes disposent souvent d’une salle qui leur est dédiée, comme Marcel Broodthaers, Luciano Fabro, Mario Merz, Gilbert & George, Bruce Nauman, Jan Vercruysse ou Giulio Paolini, ce dernier installant lui-même les trente-trois pupitres de musique de Apoteosi di Omero (1971).
De nouvelles significations
La présentation de la collection se situe ainsi dans une tradition muséale, sans fausse note ni trop d’audace, mais révélatrice d’un grand respect pour les œuvres. L’ensemble est le reflet d’une grande fidélité aux artistes et fait preuve d’une belle unité tant formelle qu’intellectuelle.
Si audace il y a, elle se trouve ailleurs, notamment dans les dernières acquisitions du couple. La ligne originellement choisie, celle de l’art conceptuel, minimal ou de l’Arte Povera, ne prédisposait pas forcément les Herbert à s’intéresser aux créations parfois “trash” de Franz West, de Mike Kelley ou de Martin Kippenberger. Alors que de nombreux collectionneurs d’art minimal se tournent aujourd’hui vers ses enfants, voire vers ses petits-enfants, le couple a pris un courageux tournant, celui d’une génération “cherchant de nouvelles significations, se posant de nouvelles questions sur ‘l’objet’ dans l’art, et sur comment l’art pouvait encore générer du sens parmi l’incessant flux d’images rapidement consommées”, selon les mots de Jan Debbaut dans le catalogue de l’exposition.
Les Herbert ont toujours été discrets. Une seule fois, par le passé, la collection avait été présentée dans une institution publique : c’était en 1984 au Van Abbemuseum d’Eindhoven. L’exposition du Casino Luxembourg revêt un caractère d’autant plus exceptionnel que les collectionneurs se situent aujourd’hui à un tournant de leur réflexion : ils envisagent de “décrocher”, selon leur propre terme. La question se pose ainsi de l’avenir de cet ensemble. Annick et Anton Herbert ont déjà défini “cinq éléments importants pour le fonctionnement futur de la collection : subjectivité, partialité, indépendance, qualité et flexibilité”. L’on pourrait aussi rajouter “exemplarité”.
- MANY COLORED OBJECTS PLACED SIDE BY SIDE TO FORM A ROW OF MANY COLORED OBJECTS, jusqu’au 11 février, Casino Luxembourg, 41 rue Notre-Dame, Luxembourg, tél. 352 22 50 45, tlj sauf mardi 11h-18h, jeudi 11h-20h, www.casino-Luxembourg.lu ; catalogue, 272 p., 230 francs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°116 du 1 décembre 2000, avec le titre suivant : Un engagement exemplaire