Leur civilisation reposant sur une société agraire bien organisée et hiérarchisée, les anciens Égyptiens imaginaient l’au-delà comme une resplendissante campagne morcelée en champs d’une fertilité exceptionnelle, traversée par des canaux fluviaux et protégée par un rempart de métal : « Son enceinte est de cuivre, l’orge qui y croît est haute de cinq coudées, l’épi de deux coudées, le chaume de trois coudées et le blé haut de sept coudées, l’épi de deux coudées et le chaume de trois », indique le chapitre cix du Livre pour sortir le jour (Livre des Morts). Véritable paradis calqué sur le milieu nilotique d’ici-bas, ces champs d’Ialou, sur lesquels régnait Osiris, étaient dépeints dans les textes et les parois décorées des tombes comme une source inépuisable de nourriture, un endroit rêvé pour la chasse et le jeu. Seulement, comme tout domaine agricole, celui du dieu des morts n’offrait ses richesses qu’à celui qui le cultivait, ce qui impliquait pour tout défunt la pratique de longs et pénibles travaux. Rois ou simples paysans, tous y étaient tenus de labourer, semer, sarcler et moissonner, entretenir les canaux d’irrigation ou encore procéder à un mystérieux transfert de sable entre les deux rives du fleuve. Inutile de préciser que la perspective d’être appelés un jour, par Osiris, à exécuter ce dur labeur était loin de ravir ceux qui, de leur vivant, avaient été étrangers à tout travail manuel. C’est ici qu’interviennent les fameux chaouabtis, chabtis et ouchebtis, auxquels le musée du Louvre est le premier à consacrer une exposition-dossier. Comme échappatoire, l’idée fut d’ajouter, à partir de la fin du Moyen Empire (vers 1500 av. J.-C.), ce nouveau type d’objet au matériel funéraire qui accompagnait la momie dans sa tombe : il s’agit de petites statuettes qui représentent généralement un personnage debout, momifié, pourvu d’outils agricoles et qui portent, le plus souvent, l’inscription du chapitre vi du Livre des Morts dans lequel est spécifiée leur fonction, à savoir remplir les corvées en lieu et place du défunt dont elles portent le nom et les titres. À travers la présentation de quelque huit cents exemplaires de ces serviteurs funéraires ou « répondants », issus pour la plupart de la riche collection du Louvre, nous est donnée l’occasion de constater que la première impression d’uniformité se dégageant de ces objets n’est absolument pas la bonne. La variété des matériaux, la grande diversité de style et de forme, l’évolution de la conception même du serviteur funéraire (de substitut ou émanation du défunt, il devient au cours du temps un véritable esclave), leur nombre plus ou moins important (quatre cent dix-huit spécimens furent livrés par la tombe de Toutankhamon !), la représentation de leurs outils etde leurs vêtements révèlent une typologie complexe et constituent autant d’indices chronologiques que de sources d’information sur les pratiques agricoles, les croyances funéraires, la parure dans l’ancienne Égypte ou encore la hiérarchisation de la société. Autant de raisons de braquer les projecteurs sur ces travailleurs de l’ombre, autant de raisons pour le public de répondre à leur appel...
PARIS, musée du Louvre, Ier, tél. 01 40 20 51 51, 7 mars-30 juin, catalogue-dossier, RMN, 105 p., 25 euros, catalogue raisonné, RMN, 466 p.
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Un chaouabti peut en cacher bien d’autres...
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°547 du 1 mai 2003, avec le titre suivant : Un chaouabti peut en cacher bien d’autres...