À la question de savoir si un art religieux existe au XXIe siècle, le centre d’art sacré contemporain de Lille donne une réponse positive et propose « Passion de Dieu », bel ensemble de toiles évoquant Jésus crucifié.
Mais comment, à notre époque, représenter la torture, le désespoir, la mort ? La tension semble irréductible entre la traduction de l’ineffable, de la transcendance divine et la matérialité brute de la peinture. Les peintres qui exposent à Lille des toiles créées entre 1980 et 2005 refusent tout réalisme, chacun gardant son style personnel. Ils y ont été invités par un collectionneur, Gilbert Delaine qui, malade, décida de réunir des œuvres sur la Passion du Christ. Parmi les artistes sollicités, rares étaient les croyants mais tous avaient souffert de déportation, d’emprisonnement, de torture ou de maladie.
Pièce maîtresse de l’exposition, Les Pas de la Passion de Sergio Ferro évoquent la montée au Calvaire. Artiste né en 1938 au Brésil, réfugié politique en France, Ferro a été torturé. Il jette sur la toile de jute, du noir, du blanc, de rares couleurs. Le visage de Jésus, jamais représenté, est suggéré dans l’Ecce Homo par la couronne d’épines et les mains liées face au gouffre du noir. Plus loin Simon de Cyrène, secourable, soulève la croix quand Jésus tombe malgré sa carrure à la Michel-Ange. Le triptyque final INRI concentre la vision tragique sur la tête ployée et l’étirement des bras.
Très variée, la suite confronte les visions d’une quarantaine d’artistes.
André Gence, prêtre né en 1918, se situe au niveau du symbole ; pour lui la lumière a lui dans les ténèbres... D’autres accusent le choc face à la souffrance, Mario Prassinos avec son Suaire 15 mai tout tissé de larmes, et Kijno pour une Sainte Face unissant en une même vision sanglante tous les torturés du monde. Pour Vladimir Vélikovic, le corps du Crucifié roule solitaire sur le sol. Enfin resplendit dans la Passion d’Isabelle Champion-Métadier la lumière de la Résurrection, un fruit, des couleurs fraîches, la croix renversée.
« Passion de Dieu », crypte moderne, cathédrale, place Gilleson, Lille (59), tél. 03 20 55 28 72, jusqu’au 22 avril.
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Un art sacré existe-t-il au xxie siècle ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°578 du 1 mars 2006, avec le titre suivant : Un art sacré existe-t-il au xxie siècle ?