L’extraordinaire épopée d’Ulysse est aujourd’hui au cœur d’une grandiose exposition archéologique au Palais des expositions, à Rome. Conçue par Bernard Andreae, elle comprend plus de deux cents œuvres originales, ainsi que la reconstitution de la grotte de Tibère avec le gigantesque Groupe de Scylla.
ROME - "Ulysse est le seul personnage antique qui ait survécu à toutes les démythifications. De nos jours, le public s’identifie toujours à ce célèbre héros", fait remarquer Bernard Andreae, conseiller scientifique de l’exposition et ancien directeur de l’Institut archéologique allemand de Rome.
Le point de départ d’"Ulysse : Mythe et Mémoire" ne pouvait être que la fameuse Odyssée de marbre retrouvée voici quarante ans à Sperlonga, dans la grotte de Tibère. Ce qui est sans aucun doute la représentation antique la plus grandiose du mythe d’Ulysse occupe le cœur de l’exposition : la grotte est reconstituée avec les cinq groupes de marbre qui y furent retrouvés dans le sable, brisés en milliers de fragments.
Le gigantesque Groupe de Scylla (4,5 x 3 x 3 m), resté au musée de Sperlonga, est présent grâce à une reconstitution composée des moulages, en poudre de marbre et résine, des 7 000 fragments retrouvés dans la grotte. Selon Pline, ce chef-d’œuvre aurait été exécuté par Athanadoros, Hagesandros et Polydoros, les artistes auxquels nous devons le Laocoon du Vatican. Le groupe est une copie romaine d’un célèbre bronze hellénistique, produit à Rhodes et placé dans l’hippodrome de Constantinople, détruit par les Croisés en 1204. Pour Andreae, le fait qu’il s’agisse d’une copie d’époque romaine ne remet pas en cause sa valeur : "Le culte de l’original, commente-t-il, est une mode tout à fait ridicule, surtout dans une époque d’"ars moltiplicata" comme la nôtre. Et puis, il ne s’agit pas de copie à proprement parler, mais de transposition en marbre, matériau que les Romains préféraient au bronze car plus "lisse".
Après des années d’étude et d’innombrables essais, cette sculpture a été restaurée avec minutie, et les parties manquantes ont été reconstituées. Parmi celles-ci, le buste de Scylla a pu être reproduit grâce à la découverte fortuite d’une pièce identique (également exposée) dans la carrière d’Afyon. Outre le marbre blanc, cette fameuses carrière produit une variété précieuse de marbre rouge veiné, très prisé dans l’ancienne Rome et dans lequel a été sculpté le Ganymède placé au faîte de la grotte.
Quinze fresques inspirées de l’Odyssée
Tous les fragments originaux du Groupe de Polyphème (long de 7,5 m) sont exposés, ainsi qu’une reconstitution en taille réelle. Le Groupe figurant le sauvetage des armes et de la dépouille d’Achille, lui aussi grandeur nature, est accompagné de la reconstitution effectuée par Schweizer dans les années trente. Présumée détruite, elle a été retrouvée dans une cave de l’université de Leipzig. Du Vol du palladium sont exposés les fragments de la tête de Diomède, du corps d’Ulysse et du palladium. À côté, un petit ensemble lapidaire provenant d’Athènes reproduit la même scène.
L’exposition se poursuit dans les salles adjacentes selon des critères thématiques et chronologiques. Deux cents originaux illustrent le mythe d’Ulysse et ses interprétations, du VIIIe siècle av. J.-C. à la fin de l’Antiquité, parmi lesquels se distinguent une magnifique tête de Pénélope, en provenance de Copenhague, ainsi qu’un Polyphème et un Scylla, de Castelgandolfo. De plus, de nombreux groupes en terre cuite, vases grecs, gemmes, monnaies, mosaïques, etc. célèbrent les exploits du héros. Sans oublier l’extraordinaire reconstitution du grand mur haut de cinq mètres et long de vingt, orné de quinze fresques inspirées de l’Odyssée, ôté vers 1850 d’une maison romaine de l’Esquilin et aujourd’hui au Vatican. Il est exposé pour la première fois aux côtés d’un fragment du même décor, conservé au Musée des Thermes.
ULISSE, IL MITO ET LA MEMORIA (Ulysse : Mythe et Mémoire), jusqu’au 2 septembre, Palazzo delle Esposizioni, Rome, tél. : 6 48 28 757. Catalogue aux éditions Progetti Museali.
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Ulysse met le cap sur Rome
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°24 du 1 avril 1996, avec le titre suivant : Ulysse met le cap sur Rome