Monographie - L’anecdote est apocryphe, mais elle est si belle qu’elle a été prise pour argent comptant par les historiens.
En poussant son dernier soupir, William Turner aurait susurré : « The Sun is God » (« Le soleil, c’est Dieu »), alors qu’un ultime rayon dardait dans sa chambre. Qu’elle soit réelle ou fictive, l’histoire s’est instantanément transformée en légende, tant elle traduit à merveille l’obsession du peintre pour l’astre solaire et les phénomènes météorologiques. Ses derniers mots sont le titre choisi par la Fondation Gianadda pour la nouvelle exposition consacrée au paysagiste. « Ce n’est pas une rétrospective classique », prévient son commissaire, David Blayney Brown, « mais plutôt une expérience sensorielle, émotionnelle ». En réalité, cette manifestation pompeusement présentée comme une collaboration avec la Tate est surtout la dernière étape d’une exposition clé en main sans grand intérêt. L’accrochage thématique propose en effet une centaine de peintures et d’aquarelles agencées selon de grandes sections fourre-tout absolument interchangeables : « Mémoire et imagination », « Lumière et atmosphère » ou encore « En regard de la nature ». Bref, rien de nouveau sous le soleil, car c’est peu ou prou le même discours sur Turner que l’on ressasse d’expositions en expositions. On n’apprend pas grand-chose, donc, et on crée même des contresens en présentant pêle-mêle des œuvres de statuts très distincts. Notamment des études préparatoires, ces œuvres abstraites avant la lettre, qui n’étaient évidemment pas présentées par Turner, mais qui sont ici exposées comme des preuves de son avant-gardisme forcené. Autant dire que cette exposition ne restera pas dans les annales. A fortiori parce qu’elle pèche tant par le fond que par la forme, à cause de l’architecture ingrate de la fondation : à savoir une succession d’étroites galeries qui ne permettent pas le recul nécessaire pour apprécier les œuvres à leur juste valeur. D’autant que ce parcours est encore desservi par un mauvais éclairage, un comble pour un tel sujet.
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Turner, soleil couchant
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°765 du 1 juin 2023, avec le titre suivant : Turner, soleil couchant