Aujourd’hui un peu négligé, Alessandro Turchi, dit l’Orbetto (1578-1649), fut, après Pisanello et Paolo Véronèse, le peintre véronais le plus célèbre en dehors de sa ville natale. La belle exposition du Musée de Castelvecchio, à Vérone, s’attache à redécouvrir cet art partagé entre la sensualité du réel et les exigences de la commande religieuse.
VÉRONE (de notre correspondante) - Formé auprès de Felice Brusasorci, Alessandro Turchi travaille à Vérone avant de rejoindre Rome, où il subit l’influence de Lanfranco et Saraceni. De ses premières activités romaines, demeure une fresque dans la Salle royale du Palais du Quirinal. Bientôt, découvrant la peinture du Caravage, il expérimente des lumières et des effets de clair-obscur plus fortement imprégnés de naturel. À l’instar de ses contemporains, il subira ensuite l’ascendant du classicisme bolonais.
Même s’il n’a jamais été perçu comme un peintre provincial, Turchi reste un artiste peu étudié, ce qui fait le prix de cette exposition et de son catalogue. Nous avons interrogé la directrice du Musée de Castelvecchio, Paola Marini.
Pour cette exposition, vous avez obtenu des prêts exceptionnels, comme la magnifique Allégorie de la bravoure, issue des Collections royales du château de Windsor, et la Lamentation sur le corps du Christ, de l’Art Institute de Minneapolis.
Entre les dessins et les peintures, on dénombre en tout une soixantaine d’œuvres. Elles sont en effet dispersées dans le monde entier puisque ses œuvres ont rapidement rejoint des collections privées de premier plan, comme celles du cardinal Mazarin et de Guillaume III, duc d’Orange. Membre de la prestigieuse Académie philharmonique de Vérone dès 1609, grâce à laquelle il s’est introduit dans le milieu aristocratique véronais, Turchi évolue avec la même aisance dans les milieux romains, où il devient l’ami du poète Giambattista Marino, d’Antonio Barberini, frère du pape Urbain VIII, et du cardinal Scipion Borghèse pour lequel il réalisera une très belle Résurrection de Lazare sur pierre. Élu prince de l’Académie de Saint-Luc à partir de 1637, l’Orbetto obtient d’importantes commandes, telles La mort de Cléopâtre et de Marc Antoine pour la galerie de l’hôtel de la Vrillière, à Paris, tableau aujourd’hui conservé au Louvre, près des chefs-d’œuvre de Pierre de Cortone, Poussin et Guido Reni.
Comment s’organise la présentation de l’exposition ?
Nous avons respecté autant que possible l’ordre chronologique des tableaux, tout en les réunissant par thèmes clés. L’exposition compte de nombreuses peintures de collection, souvent de petit format, réalisées sur cuivre ou sur pierre. Ces œuvres, mieux que d’autres, reflètent le goût des mécènes, sensibles au classicisme de Turchi nourri des collections d’antiquités véronaises et des motifs “modernes” plus expressifs et plus sensuels. À côté des œuvres profanes profondément imprégnées de sensualité baroque et de naturalisme, les retables d’un classicisme modéré témoignent de l’importance de la commande religieuse à l’époque de la Contre-Réforme. De nombreux retables peints par Turchi pour les églises de Vérone et de Rome se trouvent encore à leur emplacement d’origine. Dans cette exposition, nous avons donné la priorité à des œuvres d’origine non véronaise, en montrant par exemple la monumentale Sainte Famille avec une gloire d’anges et Dieu le père, provenant de San Lorenzo in Lucina, et la Madone en gloire avec les saints François et Charles Borromée de San Salvatore in Lauro, toutes deux à Rome. Les peintures des églises de Vérone n’ont pas été déplacées, mais inscrites sur les itinéraires de visite conçus en collaboration avec la Surintendance pour les Biens artistiques et historiques de Vénétie.
Jusqu’au 19 décembre, Musée de Castelvecchio, 2 corso Castelvecchio, Vérone, tél. 39 045 5929 85, tlj sauf lundi 9h-19h, visites guidées gratuites jeudi et samedi à 17h.
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Turchi revient à Vérone
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°89 du 24 septembre 1999, avec le titre suivant : Turchi revient à Vérone