Trente millions d’amis

Alors qu’il a presque déserté notre espace quotidien, sauf sous la forme anthropomorphisée du compagnon domestique, l’animal conserve une place significative dans notre imaginaire. À Nantes, ce paradoxe sert de fondement à une triple exposition : en écho à la thématique qui devait constituer le fil d’Estuaire 2011 (l’événement biennal aura finalement lieu l’an prochain), le Frac, le Musée des beaux-arts et le Lieu Unique (LU) explorent les diverses représentations de la figure animale dans l’art classique et contemporain.
Pour Patrice Joly, commissaire de « Safari » et directeur de la Zoo Galerie – qui célèbre ses vingt ans cette année –, les bêtes sont d’abord un « trésor de spectacularité plastique ». Au gré d’une trentaine de photos, vidéos, dessins, peintures, sculptures et installations, l’exposition qu’il organise au LU traque la façon dont l’art contemporain réinvestit un motif omniprésent dans l’histoire de l’art. « Safari » glisse ainsi de l’évocation des peintures rupestres dans Le Grand Tapis péruvien de Dewar et Gicquel à la tradition fabuliste (Pilar Albarracín) et au naturalisme (Carsten Höller, Lisa Lesaint)…

Sans jamais verser dans le discours écologiste qui en constitue pourtant l’arrière-plan, l’exposition questionne aussi le devenir des bêtes à l’âge contemporain. Selon Patrice Joly, « chacune des pièces présentées prend en charge un imaginaire de l’animal » : reflet des pulsions chez McCarthy, corps souffrant dans les œuvres de Can Altay ou le Pedigree de Pierre Vadi, il est aussi prédateur (Rä di Martino), trophée et chimère (Jean-Luc Moerman), à moins qu’il ne se révèle cet autre étrangement proche dont Man and Dog de Paulien Oltheten et l’univers zoomorphe des Furries (ces humains s’identifiant à un animal) nous tendent le reflet…