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Tout Léger
Fernand Léger (1881-1955) est un artiste de son temps par excellence. Actif pendant plus de cinquante ans, toute la première moitié du XXe siècle, il traverse, plutôt que les embrasse, les tendances artistiques les plus modernes – Cubisme, abstraction, Purisme, puis Nouveau Réalisme – affirmant une originalité qui fait de lui un des plus grands maîtres du XXe siècle. La Fondation Miró lui consacre une vaste rétrospective ; avec quelque 150 œuvres (peintures et dessins) allant de 1903 à 1954, l’exposition barcelonaise se donne les moyens de retracer la vaste carrière artistique de Fernand Léger.
En 1911, Léger se fait remarquer dans la salle cubiste du Salon des Indépendants, aux côtés d’Albert Gleizes, Robert de la Fresnaye et Henri Le Fauconnier. Plus proche du groupe de Puteaux que de Braque et Picasso, le cubisme de Léger est plus tempéré, et trahit déjà des préoccupations artistiques personnelles. Dès 1911, on retrouve les formes tubulaires caractéristiques de l’artiste, le motif se centralise avec des éléments saillants dans une composition verticale annonçant les futurs Contrastes de Formes (1913-1914) qui marquent son passage à l’abstraction. Durant cette période, il ne renonce toutefois pas au figuratif, notamment avec la série des Escaliers. L’exposition ne s’attarde pas sur ce moment cubiste puis abstrait pour présenter plus largement les œuvres de guerre de Léger, moins connues. Soldat pendant la Première Guerre, il sera à Verdun ; de cette période noire sortira de nombreux croquis. Cylindres et cubes résument les canons, les tranchées, le quotidien des Poilus. Ces dessins ne donneront jamais lieu à des peintures ; à son retour, en 1917, Léger ne montre plus rien de la guerre dans ses œuvres.
Il découvre la beauté de la machine dès 1914, au Salon de l’Aviation. Exaltée dans ses œuvres à partir de 1917, elle s’impose comme « le beau sujet moderne », selon le mot de Léger, dans les séries abstraites les Disques et Eléments Mécaniques (1918-1924), où les formes sont nettes, les contours tranchants, les couleurs franches et souvent métalliques. A partir de 1920, son amour de la machine le mène à « une peinture dont les composants, les méthodes de conception et de réalisation, dont la précision de la finition sont en elles-mêmes mécaniques », écrit alors Daniel Abadie. C’est l’époque de l’Esprit nouveau où l’engouement pour la machine mobilise nombre d’artistes. Proche des puristes, Léger participe au décor du pavillon L’Esprit nouveau à l’exposition des Arts décoratifs de 1925 avec Le Corbusier, un an après avoir fondé une école de l’art moderne avec Ozenfant, l’Atelier libre. Parallèlement aux séries abstraites, la figure humaine, qu’il tente de rendre sans émotion, comme un objet, est également présente dans les œuvres des années 1920. En 1924, il trouve une nouvelle harmonie de couleurs, moins criardes, plus métalliques, et représente ces personnages en gros plan, technique issue de son expérience cinématographique, le Ballet mécanique, qu’il réalise la même année d’après les photos de Man Ray et de Dudley Murphy.
Il séjourne pour la première fois aux Etats-Unis en 1931, où il découvre le WPA NY City Art Project, de là naît sûrement son engouement pour la peinture murale comme forme d’art populaire. Et pendant les années 1930, il entreprend de nombreux projets de peintures murales. Pendant la Seconde Guerre, il s’exile à New York dès 1940. Là-bas, il libère la figure de l’espace avec la série des Acrobates et des Plongeurs – où les personnages, aplats de couleurs franches, flottent dans un espace vide – et dissocie la couleur et le dessin, notamment dans Adieu New York en 1946. Rentré en France, il abandonne l’esthétique des Plongeurs et développe un nouveau réalisme qui, contrairement au réalisme socialiste, associe à l’engagement politique le modernisme, et que certains qualifieront de « classicisme moderne, décontracté et populaire ». Les personnages de Léger ne sont ni des héros, ni des victimes, mais ils célèbrent le bonheur des loisirs et du travail en communauté. Et ainsi, c’est tout l’art de Léger qui célèbre les noces de l’art et de la vie moderne, avec cet œuvre tout entier dont le but a toujours été de servir la modernité et l’humanité.
BARCELONE, Fondation Joan Miró, Parc de Montjuïc, tél. 00 34 934 439 470, www.bcn.fjmiro.es, 21 novembre-26 janvier et BIOT, Musée national Fernand Léger, chemin du Val de Pome, tél. 04 92 91 50 30, 17 octobre-3 février.
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Tout Léger à Barcelone
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°542 du 1 décembre 2002, avec le titre suivant : Tout Léger à Barcelone