Toguo : messe pour le temps présent

Barthélémy Toguo, plasticien franco-camerounais engagé, investit l’ancienne église Sainte-Anne, du sol aux voûtes historiques via les cimaises, en dressant une immense chapelle ardente qui n’est autre qu’une installation pluridisciplinaire constituée de cinquante-quatre cercueils rendant hommage aux victimes des désastres actuels, de quatorze aquarelles aux couleurs vives reprenant des thèmes associés aux cataclysmes (guerres, tremblements de terre, attentats…), ainsi que d’une pléiade de représentations végétales florissantes qui évoquent la résurrection après la destruction.

Plongé dans l’univers sensible de Toguo, artiste globe-trotter à la pratique polyvalente (aquarelle, sculpture, installation mais aussi performance et vidéo), le public déambule à sa guise dans une nef littéralement habitée par les créations à la fois percutantes et sensuelles du plasticien nommé pour le prix Marcel Duchamp 2016. Car, si le visiteur est ici confronté à des tableaux violents qui rappellent le chaos du monde contemporain (on y croise des enfants armés de kalachnikovs, le petit Alan  Kurdi mort noyé sur une plage turque ou encore des casques ensanglantés), il n’en reste pas moins que Toguo, tout en dénonçant, n’oublie pas pour autant de peindre. Ne tombant pas dans l’écueil de certains artistes actuels qui, à force de vouloir coller au réel, basculent dans un simple journalisme mis en images, Barthélémy Toguo, en virtuose sachant trouver la juste mesure entre esthétique et éthique, donne à expérimenter un théâtre humaniste ouvert à tous qui ne manquera pas de marquer les esprits.