PARIS
C’est un phénomène nouveau : de plus en plus, en Europe comme dans les sociétés traditionnelles, on voit l’appartenance de l’individu à un groupe s’inscrire dans sa chair. Tatouages, scarifications, piercing, implants, branding (brûlure au fer rouge) ont existé depuis la nuit des temps, en se modifiant selon les races, les ethnies et les époques. Ce phénomène est présenté dans son ensemble par différentes études publiées dans le gros volume qui accompagne au musée Dapper l’exposition « Signes du corps ». Une centaine de sculptures de bois et de bronze, des bijoux, des terres cuites permettent de retrouver les traces de ces pratiques qui souvent ont disparu. On décrypte le langage de ces signes qui déclarent aux yeux de tous une identité, scellent une initiation, précisent une hiérarchie, tiennent lieu d’exorcisme, mais aussi, le plus souvent, érotisent l’épiderme. Les Amériques, l’Asie, l’Océanie sont successivement évoquées, toutefois c’est l’Afrique qui a la part belle. Au Nigeria, un masque-heaume janus anyang révèle les différences entre deux visages accolés, agressivité des profondes scarifications masculines et délicatesse des motifs peints côté féminin. Les statuettes kuba bembe et tabwa montrent des corps porteurs sur toute leur surface d’une infinité de lignes, motifs, et reliefs scarifiés. Chaque ethnie a son style. Chez les Bambara du Mali la géométrisation des volumes va de pair avec celle des lignes partout tracées sur la peau. Au contraire, sur les corps souples et tout en rondeur des statuettes Luba, les courbes sont soulignées par des réseaux de points dessinant une broderie, parure qui les entoure. Chez les Mangbetu, l’allongement du crâne apporte aux visages une extrême élégance. Des recherches récentes montrent que ces arts corporels ne doivent rien à l’empire égyptien qui n’en a livré que de très rares exemples sur des concubines. Au-delà des siècles enfin, des pratiques semblables font surface de nos jours dans les sociétés occidentales, exprimant une volonté de transgression et d’affirmation personnelle. Le corps devient le lieu d’une liberté dont les exemples fixés par l’objectif d’Alain Soldeville sont visibles en conclusion de l’exposition.
« Signes du corps », PARIS, musée Dapper 35 rue Paul Valery, XVIe, tél. 01 45 02 16 02, 22 septembre-3 avril 2005, cat. 392 p., 45 euros.
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Symboles tracés dans la chair
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°562 du 1 octobre 2004, avec le titre suivant : Symboles tracés dans la chair