BARCELONE / ESPAGNE
La Pedrera à Barcelone présente une sélection du fonds du musée de Cuenca face à des œuvres abstraites internationales d’après-guerre.
Barcelone (Espagne). L’exposition « Les chemins de l’abstraction 1957-1978. Dialogues avec le Musée d’art abstrait espagnol de Cuenca » présente, à la célèbre Casa Milà d’Antoni Gaudí (connue aussi sous le nom La Pedrera), les œuvres phares de ce musée, le premier consacré à l’art abstrait en Espagne, fondé par le collectionneur Fernando Zóbel (1924-1984) en 1966. Une trentaine d’œuvres de peintres espagnols issues des collections du musée sont présentées aux côtés de celles d’artistes internationaux, laissant deviner leurs influences mutuelles.
Deux histoires s’entrelacent : celle de la célébration de l’abstraction en Europe et aux États-Unis, qui voient de nombreux musées consacrés à cet art fleurir à partir des années 1950, et l’émergence de l’art abstrait espagnol à la même époque. Fernando Zóbel (1924-1984) comprend l’importance de cette scène artistique espagnole en rencontrant ses principaux représentants à la galerie Fernando Fe de Madrid, tels qu’Antoni Tàpies, Eduardo Chillida, Antonio Saura et Luis Feito, en 1955. Deux ans plus tard, deux groupes artistiques se créent : l’Équipe 57 à Paris, dont les membres relèvent de l’abstraction géométrique, et le groupe El Paso, tourné vers l’art informel, à Madrid.
Dix ans plus tard, sur les hauteurs de Cuenca (Castille-La Manche), Fernando Zóbel parvient à ouvrir un musée d’art abstrait, alors synonyme de liberté et de démocratie, en pleine dictature espagnole. L’ensemble des courants de cette abstraction d’après-guerre est, dès l’origine, représenté dans son musée : l’abstraction géométrique, l’art informel, l’expressionnisme abstrait, l’abstraction lyrique et gestuelle, l’art cinétique et la Colorfield Painting.
À La Pedrera, le visiteur est accueilli par la sculpture Abesti gogorra IV d’Eduardo Chillida, comme il le serait au musée de Cuenca. Viennent ensuite les dialogues artistiques entre les grands noms de l’abstraction, internationaux et espagnols. Le Paysage polychrome de Nicolas de Staël s’expose aux côtés de la toile Número 396, également toute en couleurs, d’Antonio Lorenzo, le Mobile d’Alexander Calder partage les airs avec celui d’Eusebio Sempere intitulé Latido, tandis que les tonalités sombres de Mark Rothko répondent à celles, sombres également, du peintre espagnol Esteban Vicente. Bien d’autres rapprochements sont effectués entre artistes célèbres, tels qu’Antoni Tàpies et Jean Dubuffet ou Hans Hartung et Fernando Zóbel, rappelant la qualité de peintre de ce dernier.
Le peintre et collectionneur avait préféré une approche thématique plutôt que chronologique pour la présentation de sa collection d’art abstrait espagnol, ce que la Fondation Juan March, propriétaire du musée de Cuenca depuis 1980, a toujours respecté. L’exposition poursuit cette volonté en recréant l’esprit du musée, montrant la première génération de ces artistes abstraits espagnols, présents dans la collection d’avant 1978, année durant laquelle le musée fit l’acquisition de nouvelles œuvres issues de la seconde génération d’artistes abstraits, à partir des années 1970.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°598 du 4 novembre 2022, avec le titre suivant : Sur les traces du premier musée d’art abstrait d’Espagne