Le Centre national des costumes de scène, à Moulins, joue sur l’originalité des matières utilisées à partir des années 1960.
MOULINS - Pour sa onzième exposition, le Centre national des costumes de scène a misé sur les « insolites », à l’image de sa position emblématique de la décentralisation culturelle. En 2006, l’État choisissait la petite ville auvergnate de Moulins (Allier), à l’écart des grands chemins muséaux, pour conserver 8 500 costumes de théâtre, d’opéra et de ballet de l’Opéra de Paris, de la Comédie-Française et de la Bibliothèque nationale de France. Exerçant ses missions de conservation préventive sur les textiles, le Centre national les dévoile aussi au public par le biais de présentations temporaires qui, à raison de trois par an, ne connaissent aucun temps mort. Dernière en date, « Les insolites » invite à une promenade toute boschienne « dans les jardins des plaisirs de la matière », selon les mots des scénographes Alain Batifoulier et Simon de Tovar. Dans un parcours à la cacophonie étudiée, sans volonté chronologique ni thématique, l’exposition s’attache à présenter la pluralité des matières utilisées dans la confection des costumes à partir des années 1960.
La Seconde Guerre mondiale ayant vu l’émergence de matériaux dérivés du pétrole, les costumiers se lancent sur les traces des avant-gardes du début du XXe siècle et se jettent dans une grande centrifugeuse de matériaux. « Si l’homme a marché sur la lune, je ne vois pas pourquoi j’aurais des limites, tout est possible ! On peut tout coudre, la terre entière, la peau du ciel ! », déclare Philippe Guillotel (né en 1955), qui a imaginé un costume-instrument aux accents cubistes pour le ballet Tutti (1987), tout en restant plutôt sage dans son emploi du serge, de la moire et du satin. Mariaelena Roqué (née en 1952) a conçu des compositions architecturales débridées, déployant d’immenses possibilités de façonnage à partir du cellophane, du papier d’aluminium et de l’acier. Ses dépouilles illuminées, qui n’ont souvent plus rien de textile, deviennent des éléments scénographiques à part entière. Des vidéos de l’Institut national de l’audiovisuel permettent de voir ces costumes en mouvement et d’observer la manière dont ils s’inscrivent au sein d’un collectif de créations.
Trompe-l’œil
La manifestation, intitulée à l’origine « De près et de loin », se prête au jeu incessant du trompe-l’œil. Le costumier, capable de transformer le caoutchouc en métal, le papier en dentelle et la fourchette en argent, y fait figure d’alchimiste. La démonstration dévoile la vérité en plaçant ses mannequins devant un agrandissement photographique qui donne à observer un détail du costume (les bijoux redeviennent alors des clous, et les dards de feu du latex), ou reprend le masque de l’illusion en faisant jouer la lumière sur les costumes placés sur plaques tournantes. Les rideaux rouges encadrant le début de l’exposition sont sertis d’éléments hétéroclites (boulons, jouets…) qui se fondent à merveille dans la composition. On saluera le véritable travail à six mains de la commissaire Noëlle Giret et des scénographes. La scientifique et les illusionnistes ont manié ensemble et simultanément les ficelles de l’exposition. Après le spectaculaire, la réalité du musée reprend cependant ses droits : la directrice du Centre national, Martine Kahane, se dit inquiète de la capacité de ces nouveaux matériaux à traverser le temps. Nul ne sait ce que leur réserve l’avenir.
Commissariat : Noëlle Giret, conservatrice générale honoraire des bibliothèques
Scénographie : Alain Batifoulier, créateur de costumes et muséographe d’exposition ; Simon de Tovar, scénographe graphiste
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Sous toutes les coutures
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Abonnez-vous dès 1 €jusqu’au 15 mai, Centre national du costume de scène, quartier Villars, route de Montilly, 03000 Moulins, tél. 04 70 20 76 20, www.cncs.fr tlj 10h-18h. Catalogue, éd. Gourcuff Gradenigo, 159 p., 29 euros, ISBN 978-2-3534-0101-7
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°341 du 18 février 2011, avec le titre suivant : Sous toutes les coutures