Un cliché particulièrement tenace colle à la peau de Paul Signac (1863-1935) : il est perçu comme le fidèle disciple et pâle imitateur du génial inventeur du divisionnisme, Georges Seurat (1859-1891).
Tout oppose pourtant les deux artistes. La personnalité réservée, taciturne et distante de Seurat est à mille lieux du tempérament explosif de Signac, connu pour son humour corrosif et son goût du bluff. S’il est incontestable que l’art de Seurat est, au milieu des années 1880, un catalyseur décisif pour l’évolution de la peinture de Signac, celui-ci développe rapidement un style plus libre et spontané en harmonie avec sa nature profonde.
Mais c’est la découverte de la pratique de l’aquarelle, en 1892, peu de temps après la mort de Seurat, qui va permettre à Signac d’oublier les contraintes rigoureuses prônées par son mentor. Il trouve dans l’aquarelle, qui n’autorise ni erreur ni repentir, un outil adapté à son tempérament fougueux. À la technique divisionniste des petits points de couleur pure juxtaposés, Signac préfère employer une touche légère, fluide, évoluant ainsi vers une liberté de plus en plus importante. Amoureux du monde de la mer, grand amateur de voile, il a toujours aimé peindre les paysages marins et les ports.
En 1929, âgé de 65 ans, Signac réalise un projet qui lui tient à cœur depuis longtemps : peindre, à l’aquarelle, cent ports de France. Il soumet son idée à Gaston Lévy, un homme d’affaires imaginatif et fortuné, créateur de la chaîne de magasins Monoprix, mécène et collectionneur éclairé : « Depuis longtemps je rêve de faire une suite importante d’aquarelles sur «Les ports de France». J’ai relevé quarante ports de la Manche, quarante ports de l’Océan, vingt ports de la Méditerranée. En tout une centaine. » Gaston Lévy comprend tout l’intérêt du projet et accepte de le financer. Signac commence son tour de France en mars 1929, se déplaçant dans une automobile conduite par un chauffeur. Le périple se termine en 1931.
Le musée Malraux du Havre présente pour la première fois la totalité des œuvres de la série connues à ce jour, soit près de quatre-vingt-dix aquarelles, mises en perspective par une sélection de marines peintes antérieurement et de quelques œuvres de maîtres particulièrement admirées de Signac (Le Lorrain, Joseph Vernet, Corot, Jongkind, Boudin…).
« Signac. Les ports de France », musée Malraux, 2, bd Clemenceau, Le Havre (76), www.musees-haute-normandie.fr, jusqu’au 16 janvier 2011.
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Signac, une aquarelle dans chaque port
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°629 du 1 novembre 2010, avec le titre suivant : Signac, une aquarelle dans chaque port