À Francfort, l’exposition
« Le sang : perspectives sur l’art, le pouvoir, la politique et la pathologie » explore les multiples significations iconographiques d’un fluide, tour à tour synonyme de vie et de mort. Plus de 160 œuvres sont rassemblées pour étudier
la symbolique du sang, de l’Antiquité à nos jours.
FRANCFORT - Le sang porteur de vie, mais aussi métaphore de la mort, est au centre de l’exposition du Musée des arts appliqués de Francfort (Mak). Dans cette double polarité, le sang est tour à tour un élément alchimique, sacrificiel et une nourriture divine comme le démontrent amplement les œuvres rassemblées ici. Une statuette Maya représentant un prisonnier, la lèvre tombante ou la mâchoire prognathe caractéristique des Habsbourg peints par Velázquez sont des exemples éloignés mais parlants de cette approche d’un fluide synonyme de décès. L’une des autres fcettes abordées au Mak est celle, chrétienne, du sang comme élément rituel, composant nécessaire à la rédemption et à la résurrection. Là, les exemples sont légion, de l’allégorie de l’Eucharistie dans un livre d’heures ayant appartenu au roi René – L’Allégorie eucharistique réalisée vers 1690 par Juan Correa – à la Salomé avec la tête de Baptiste peinte par Lovis Corinth vers 1900, en passant par une Allégorie du sang sacré du Christ figuré par le Bernin dans un dessin du Teylers Museum de Haarlem.
Au total, l’exposition comporte plus de 160 pièces parmi lesquelles des enluminures, sculptures, livres, dessins, photographies, vidéos et des installations. Les amateurs ne manqueront pas de rapprocher ce thème de celui de la manifestation organisée l’an passé par la critique italienne Francesca Alfano Miglietti à Milan sous le titre “Rouge vif”, mais les deux expositions partagent seulement la même couleur. L’Allemagne offre une approche plus encyclopédique, embrassant le sujet de l’Antiquité à nos jours. Paradoxalement, le sommet de l’exposition, qui s’achève à la Schirn Kunsthalle, concerne la période contemporaine.
Emphase vitaliste contre nécrophilie ambiante
À travers la figure d’Hermann Nitsch, une large place est évidemment consacrée à la réinvention de l’action-painting par les actionnistes viennois. Enfin, si pour Joseph Beuys le sang est encore synonyme de vie et d’énergie, les artistes des générations suivantes le verront comme véhicule de la tragédie. C’est le cas dans les actions de Marina Abramovic, et plus récemment dans les photographies d’Andres Serrano. D’ailleurs, l’accrochage ne manque pas de rapprocher ses images de l’artiste américain à celle, discutée, d’un malade du sida sur son lit de mort saisi par Olivero Toscani pour la campagne publicitaire de Benetton. Heureusement Gilbert & George viennent raviver avec ironie un peu d’emphase vitaliste au sein des sentiments nécrophiles, décidément majoritaires chez nos contemporains.
- LE SANG : PERSPECTIVES SUR L’ART, LE POUVOIR, LA POLITIQUE ET LA PATHOLOGIE, jusqu’au 27 janvier 2002, Museum für Angewandte Kunst, Schaumainkai 17, Francfort, tél. 49 69 212 34037 ; Schirn Kunsthalle, Römerber, tél. 49 69 299 8820, tlj sauf lundi 10h-20h, www.mak.frankfurt.de
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Sang pour sang
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°138 du 7 décembre 2001, avec le titre suivant : Sang pour sang