Le propre d’un méridien, cercle imaginaire passant par les deux pôles terrestres, est d’être virtuel. Celui dit de Paris, inventé au XIXe siècle par l’astronome, physicien et homme politique, François Arago, échappe quelque peu à la règle. S’il n’est pas à proprement parler visible, du moins peut-on réussir à le suivre depuis que l’artiste néerlandais Jan Dibbets en a matérialisé le parcours dans le cadre de la commande publique qui lui a été passée voilà une dizaine d’années pour célébrer le centenaire du savant. Figure singulière d’une forme conceptuelle du Land Art, Dibbets dont le médium de prédilection est la photographie a égrené le long du méridien tout un lot de petits médaillons de cuivre, inscrits dans le goudron, frappés du nom d’Arago et des deux capitales N(ord) et S(ud). D’un hommage à l’autre, celui que l’artiste rend cet automne à son compatriote de peintre du XVIIe siècle, Pieter Saenredam, au musée Zadkine est d’une tout autre trempe. Ce n’est d’ailleurs pas le premier du genre et voilà déjà bien longtemps que Dibbets l’a célébré. Auteur de sublimes intérieurs d’églises, sévères et dépouillés, représentés avec une mise en place perspective rigoureuse, une découpe nette des plans peints en clair-obscur et une définition très claire des volumes dans la répartition lumineuse des couleurs, Saenredam ne pouvait qu’enchanter le photographe. Dans ce contexte et parce qu’il est devenu un musée, l’atelier de Zadkine s’est imposé à lui comme le lieu idéal pour mettre en exergue ce qu’il en est de l’image photographique elle-même, à savoir un véhicule tout autant de l’idée de transformation que d’information. Un choix qui se justifie d’autant plus que Dibbets est particulièrement sensible au fait de présenter son travail sur le terrain même où il a été réalisé, dans une relation dialectique réciproque du contenu au contenant et du dehors au dedans. À l’instar du peintre, le photographe multiplie angles et points de vue entre jardin, maison et atelier de feu son hôte le sculpteur comme pour mieux en décortiquer l’espace, l’appréhender dans toutes ses composantes et nous en faire voir les subtiles articulations. Béances, percées, points et lignes de fuite, butées, impasses, jeux d’ombre et de lumière sont les termes récurrents qui caractérisent le vocabulaire plastique de Jan Dibbets, véritable architecte de l’image.
« Jan Dibbets. Saenredam – Zadkine », PARIS, musée Zadkine, 100 bis rue d’Assas, VIe, tél. 01 55 42 77 20, 21 octobre-13 février 2005.
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Saenredam/Dibbets, question d’architecture
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°564 du 1 décembre 2004, avec le titre suivant : Saenredam/Dibbets, question d’architecture