Rythmes de Samba

Grâce à ce peintre du dimanche acharné, cette forme d’expression, qui prend des libertés avec les conventions académiques et les critères habituels du jugement esthétique, a trouvé une place, modeste, dans les musées. L’exposition à Lodève, issue d’une immense collection particulière, met en scène ce que l’on peut nommer une peinture naïve exotique, avec une cinquantaine d’artistes brésiliens du XXe siècle. Ces derniers, moins connus que leurs confrères haïtiens, n’en possèdent pas moins une culture attirante. Une, ou plutôt, des cultures, car comme le remarque Ivonne Papin-Drastik, commissaire et directrice du musée, il s’agit d’identités multiples. L’immensité de ce pays, le mélange ou le métissage entre les autochtones et les nombreux immigrants, a donné lieu à un melting pot étonnant de religions et de traditions. Il n’en reste pas moins que les artistes, comme tous les Brésiliens, partagent avec ferveur plusieurs centres d’intérêt : la plage, la musique – samba, avant tout – le carnaval et, surtout, le football, véritable religion d’État. La particularité de ces créateurs autodidactes, issus des milieux populaires, est un style figuratif accessible au public – des formes simplifiées, des contours précis, des couleurs intenses et contrastées. Articulées autour de trois notions – « Espaces de vie », « Vivre ensemble » et « Identités » – les œuvres prennent deux directions différentes. D’une part, ce sont des scènes de la vie quotidienne : À la plage, de Sylvia de Leon Chalreo (1969), Toilette, de Maria Auxiliadora (1973) ou encore Jogo de futebol, de Rosina ­Becker de Valle [1969]. D’autre part, elles sont au service d’un monde imaginaire – Songe de poète (1985) par Iracema Arditi est un nocturne féérique, quand une version improbable de l’arche de Noé est nommée magnifiquement Animaux que Dieu n’a pas créés (1973, Isabel de Jesus). Sans prétendre au statut de chefs-d’œuvre, ces images réussissent à transmettre le plaisir de leurs auteurs. Autrement dit, à garder une forme d’authenticité artistique.