Le discrédit qui pèse sur Rouault (1871-1958) repose moins sur ses sujets religieux, comme on le croit trop souvent, que sur la tristesse qui émane de sa peinture.
Un discrédit tout relatif du reste, car les institutions ne cessent de l’exposer : Beaubourg (1992), Strasbourg (2006), le MAMVP (2007). Aujourd’hui, c’est la Pinacothèque de Paris qui s’empare du cinquantenaire de sa mort pour présenter une sélection de la collection Idemitsu, un mécène japonais qui s’est entiché de Rouault.
Pourtant issu du fauvisme, Rouault n’exhibe pas une peinture brillante et séductrice, comme Derain ou Matisse, son camarade de l’atelier de Gustave Moreau. Son chromatisme violent reste dans une palette sombre, souvent glauque même. Les immenses cernes noirs qui dessinent les formes ne contribuent pas à égayer l’ensemble. Ses sujets n’ont rien de festif : des prostituées, des juges, des clowns désabusés, des Christ de la Passion. On recherche en vain un sourire ou une expression de bonheur. Tout exprime le tourment, le doute d’une âme meurtrie. Insatisfait de son travail, Rouault n’hésitait pas à reprendre ses toiles. En 1948, il va même jusqu’à « brûler 315 peintures, estimant à
77 ans, ne plus avoir le temps nécessaire pour les achever » (Françoise Künzi). Reste que cette humanité désenchantée nous touche par les échos qu’elle nous renvoie de nos propres peines.
L’accrochage est quelque peu déroutant. Le commissaire, dont acte, ayant voulu éviter le traditionnel regard sur la religiosité de Rouault, a misé sur des regroupements selon les personnalités qui auraient influencé le peintre : les Maritain, Vollard, Suarès… Le problème est que l’on ne voit pas trop comment s’opèrent ces réunions. Idéalement située dans le centre de Paris, la Pinacothèque souffre cependant de son exiguïté et d’un éclairage poussif. La peinture sombre de Rouault n’y est pas à son avantage.
« Georges Rouault : les chefs-d’œuvre de la collection Idemitsu », la Pinacothèque de Paris, 28, place de la Madeleine, Paris VIIIe, www.pinacotheque.com, jusqu’au 18 janvier 2009.
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Rouault, malheureux
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°607 du 1 novembre 2008, avec le titre suivant : Rouault, malheureux