« L’œuvre de toute ma vie à laquelle j’ai travaillé avec tant d’amour », confesse Rodin à propos du Monument à Victor Hugo commandé en 1889 pour le Panthéon. Soient deux monstres sacrés du patrimoine français, Hugo et Rodin. Trente-huit ans les sépare, et le cadet voue une admiration respectueuse à l’homme de lettres autant qu’à l’homme politique. Mais ce n’est qu’en 1883, deux ans avant la mort du grand homme que Rodin rencontre Hugo, alors qu’il est tout à la composition de la Porte de l’enfer. Prélude à un long travail qu’il ne négligera plus, Rodin laissera la question épineuse de la représentation du maître hanter et longer les inflexions prises par son art pour les quelque trente années qui suivront cette rencontre tardive. En témoignent les représentations de crânes, profils, oreilles, les centaines de croquis, esquisses, plâtres, gravures, photographies accompagnant ses recherches.
Une méthode de travail pourtant peu orthodoxe pour le sculpteur qui rechignait au dessin comme préambule à la sculpture. Mais en 1883 Hugo est déjà vieux et refuse la contrainte de la pose. « Vous prendrez des croquis comme on prend des notes. Et vous verrez, cela vous suffira », lui impose-t-il. En résulte le célèbre buste montré au Salon de 1884. À la mort d’Hugo, commande lui est faite d’un monument destiné au Panthéon.
La commande stipulait un langage allégorique. Rodin s’y plie et place dans l’un de ses projets Hugo debout, nu et vieillissant, transcendant le contexte contemporain pour installer le poète hors de toute contingence historique et lui offrir une représentation flirtant avec la statuaire antique. Loin du réalisme imprégnant le buste de 1884. Le projet est refusé, mais le monument sera finalement installé au Palais-Royal en 1909, avant de regagner les jardins du musée Rodin. Il réalise encore le Buste héroïque pour la maison de Victor Hugo, puis en 1916 une dernière synthèse de sa vision du poète. C’est dans cette même maison que s’expose aujourd’hui la généalogie de cette longue confrontation, retraçant la genèse du travail mené par Rodin sur Hugo. Un passionnant parcours menant le visiteur au cœur même du processus créatif du sculpteur, révélant les liens étroits entretenus entre l’œuvre du maître et la poésie en même temps que de singuliers exemples de gravures et esquisses jusqu’ici rarement offertes au regard du public.
« D’ombre et de marbre, Hugo face à Rodin », PARIS, maison de Victor Hugo, 6 place des Vosges, IVe, tél. 01 42 72 10 16, jusqu’au 1er février 2004.
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Rodin face à Hugo
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°554 du 1 janvier 2004, avec le titre suivant : Rodin face à Hugo