Le Musée d’art contemporain livre une représentation plus juste de sa production de Berlin à Limoges.
Rochechouart (Haute-Vienne). Le Musée départemental d’art contemporain n’en est pas à son premier focus sur l’œuvre protéiforme de Raoul Hausmann (1886-1971), qui a passé les trente dernières années de sa vie à Limoges, située à une petite cinquantaine de kilomètres de Rochechouart. Détenteur de 700 œuvres et d’archives considérables, le musée expose régulièrement ce cofondateur de Dada à Berlin. Il prête tout aussi fréquemment les pièces du fonds, voire coproduit des catalogues, comme récemment à l’occasion de la première rétrospective proposée en France sur Hausmann photographe, par les centres d’art Le Point du jour et au Jeu de paume.
Venir après Cherbourg et Paris pouvait constituer un handicap pour Sébastien Faucon, directeur du musée. Par l’impossibilité d’abord d’incorporer des pièces majeures de sa collection prêtées pour ces expositions – pièces qui, pour des raisons de conservation, nécessitent d’être préservées de la lumière. Le sujet pouvait ensuite avoir perdu de son attrait aux yeux de ceux qui auraient vu l’accrochage des deux institutions. Or il n’en est rien. L’approche du Musée de Rochechouart s’en distingue fortement par le choix des pièces et leur articulation, mais surtout par la vision élargie de la production photographique de Hausmann : celle-ci dépasse le séjour à Ibiza où l’artiste théoricien avait trouvé refuge en 1933, avant que la guerre d’Espagne ne le remette sur la route de l’exil.
L’exposition, qui réexamine la création photographique, dès les premiers portraits et images saisies depuis la fenêtre de son appartement de Berlin jusqu’aux dernières photographies réalisées à Limoges à la fin des années 1950, revêt ainsi un double intérêt. Elle réfute en premier lieu le discours des deux précédentes expositions qui pouvait laisser croire que, après les photos sur l’architecture vernaculaire d’Ibiza et ses habitants, Raoul Hausmann n’avait rien produit d’intéressant. Les recherches formelles entamées à Berlin et poursuivies en mer du Nord et à Ibiza se déploient ensuite en Suisse, en Tchécoslovaquie puis à Paris en 1939 et à Limoges à partir de 1947. Son intérêt pour le mouvement, ses décompositions ou superpositions s’incarne en particulier durant cette période dans des images marquantes comme Rêve de la plage (Limoges), 1947 [voir ill.], bien étrangère aux approches, dans ses débuts, liées à la Nouvelle Vision ou de la photographie constructiviste.
Sur les photographies de la mer du Nord et d’Ibiza, Sébastien Faucon apporte par ailleurs des précisions aussi instructives. L’intérêt de Raoul Hausmann pour l’architecture vernaculaire apparaît ainsi bien avant ces séries, dans des photographies de fermes traditionnelles allemandes. Il en va de même pour son goût à cartographier les espaces et ses déambulations, ce que la scénographie découvre là encore dans de fort belles associations d’images et de plans.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°507 du 21 septembre 2018, avec le titre suivant : Rochechouart donne toute la mesure de Raoul Hausmann photographe