Art contemporain

XXE SIÈCLE

Robert Guinan, le peintre de l’autre Chicago

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 7 juillet 2023 - 329 mots

LYON

Portraitiste des déshérités et des musiciens, le peintre américain a dépeint une face cachée de l’Amérique.

Lyon. Robert Guinan (1934-2016) a fait le grand écart dans sa pratique artistique. À double titre. D’une part, après avoir exploré l’expressionnisme abstrait et le pop art, synonymes de la modernité omniprésente aux États-Unis, il se tourne, à partir des années 1970, vers une peinture à contre-courant, que l’on pourrait qualifier, faute de mieux, de réaliste. D’autre part, dans l’Amérique triomphante des années 1960-1970, qui voit émerger une société d’abondance et de consommation effrénée, il choisit de représenter les exclus, des marginaux appartenant souvent à la communauté noire. Fasciné par le jazz, il fréquente les bars des musiciens, guidé par son ami et musicien Emile Breda. C’est dans ces lieux que Guinan trouve ses sujets, une galerie impressionnante de personnages représentés dans des poses immobiles. On ne saura jamais si ces figures solitaires méditent sur leur condition ou si elles sont happées par la musique. Dans les deux cas, elles semblent ailleurs, indifférentes au passage du temps (Geraldine, 1987). Parfois, ce sont les musiciens eux-mêmes, entièrement absorbés par leur performance (très beau dessin de la flûtiste Nikki Mitchell, 2000). Bien que cette fascination pour des portraits de déshérités frôle parfois les clichés d’un misérabilisme certain, l’œuvre de Guinan a le grand mérite de raconter une autre histoire des États-Unis. Il faut remonter à la période de la Grande Dépression pour trouver des artistes qui s’intéressent à cette couche sociale, absente du champ artistique.

Les références à la peinture européenne – Toulouse-Lautrec, Degas – sont assumées sans interférer avec le langage plastique de Guinan. Il en va de même pour les rapprochements avec Edward Hopper et ses villes vidées de présence humaine. Mais les suburbs de Hopper, ces lieux d’habitat d’une classe moyenne presque exclusivement blanche, sont bien éloignées des banlieues mises en scène par Guinan. North Avenue Light (1980-1981) est la représentation d’un quartier où se logent ceux qui justement n’ont pas droit à l’image.

Robert Guinan, Chicago, en marge du rêve américain,
jusqu’au 27 août, Musée des Beaux-Arts, Palais Saint-Pierre, 20, place des Terreaux, 69001 Lyon.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°614 du 23 juin 2023, avec le titre suivant : Robert Guinan, le peintre de l’autre Chicago

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