D’entrée de jeu, la scénographie postule un cliché américain : bande-son et cabane en lamelles de bois du Montana, la culture américaine populaire et l’art du vernaculaire exultent.
L’architecte de cette démonstration, le Britannique David Adjaye, a tracé une piste possible de l’exposition bibliophilique. Pourtant, passé l’effet bluffant de cette cabane monumentale qui sert de pavillon à la série American/English, confrontations entre des premières éditions britanniques et américaines, soit quarante et une couvertures de livres enchâssées dans des supports de bois, la visite s’avère pénible. La bande-son en fausse bonne idée pour immerger le visiteur dans l’american spirit vient rapidement empoisonner la « lecture » de vitrines thématiques surchargées parfois jusqu’à la confusion. Quid de Richard Prince ?
L’objet de l’exposition est moins de montrer son art que sa façon de procéder, sa nature de collectionneur obsessionnel compulsif qui lui fait accumuler les autographes, les exemplaires de livres rares et les romans de pulp fiction. Sa collection d’ouvrages est l’une des plus importantes après celle de la bibliothèque municipale de New York ! Alors logiquement, lorsque la BnF l’a invité avec le commissaire Robert Rubin à exposer, il s’est plongé dans le fonds maison. Il y a déniché des romans de gare, des romans-photos érotiques, des petits trésors sur la couverture desquels il a appliqué sa méthode : l’ajout, la biffure, la correction sur un transparent qui laisse le livre intact.
C’est alors qu’on découvre un exemplaire de Philip K. Dick de Mensonges et Cie édité par Robert Laffont furieusement cochon avec un couple en pleine fellation. Un collage signé Prince. Encore faut-il trouver cette information au milieu d’une plaquette peu encline à distinguer ces œuvres autographes des ensembles de lettres, disques, affiches, magazines, livres… Dommage, car l’exposition nous amenait à saisir comment Prince travaille et à dissoudre ainsi la tentation d’associer son œuvre appropriationniste à de la fumisterie. Pour celui qui « truste » les plus hautes marches des salles de ventes, rien ne se produit par dilettantisme. Il y a de la méthode, tout comme dans son fétichisme des lolitas, de Kerouac, de la culture de base. Son aptitude à scruter l’Amérique est inégalable, dommage qu’elle soit ici noyée sous les effets.
« Richard Prince, American Prayer »
Bibliothèque nationale de France, site Tolbiac, Paris-13e, www.bnf.fr, jusqu’au 26 juin 2011.
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Richard Prince - Brouillons…
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°636 du 1 juin 2011, avec le titre suivant : Richard Prince - Brouillons…