Métissages

Revendications autochtones

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 7 juillet 2010 - 460 mots

Une exposition confronte, à Daoulas, art inuit et aborigène sur le thème de l’affirmation de l’identité culturelle.

DAOULAS - À défaut de bâtiment, le Musée des confluences, à Lyon, tâche d’exister par le biais d’expositions temporaires, destinées à illustrer son propos scientifique. Soit la mutation d’un ancien musée d’ethnologie en musée de l’altérité, sujet dont l’établissement – malgré les aléas de son chantier – aura été un précurseur. Cet été, c’est donc l’abbaye de Daoulas, située à la pointe du Finistère et dévolue depuis vingt-cinq ans au dialogue des civilisations, qui reçoit une partie des œuvres de la collection du musée lyonnais dans le cadre d’une exposition coproduite entre les deux institutions. Le thème choisit relève d’un vrai pari : faire se rencontrer les arts inuit et aborigènes. Une rencontre improbable traitant en filigrane des questions de culture et d’acculturation et, inévitablement, de métissage. « L’idée est de ne pas enfermer ces artistes dans les arts premiers », souligne Michel Côté, ancien directeur du Musée des confluences. Depuis plusieurs années, le musée s’est en effet porté acquéreur d’œuvres inuit et aborigènes contemporaines afin de compléter son fonds ancien. Autant de pièces qui « interrogent sur les liens entre enracinement dans la culture et ouverture au monde », précise Michel Côté.

Pourquoi, toutefois, confronter ces deux peuples que tout oppose ? « Ils sont aux antipodes, mais tous deux ont subi le joug de la colonisation et une négation de leur identité », explique le commissaire de l’exposition, Philippe Ifri. De fait, l’affirmation de ces peuples autochtones au sein de la communauté internationale a été liée à la reconnaissance de leur art, vecteur d’identité culturelle. Aujourd’hui, des artistes tels que Manasie Akpaliapik produisent des œuvres encore empruntes de référence à la tradition inuit par le choix des sujets et des matériaux, mais adaptées aux nouveaux modes de production. La Création du monde (vers 1990), sculpture monumentale taillée dans une vertèbre fossile de baleine – les esquimaux sculptaient des pièces de petite taille car ils étaient nomades –, mêle ainsi les mythes collectifs à l’expérience individuelle de l’artiste. Une même démarche identitaire a animé la reconnaissance de l’art aborigène, dont les grandes peintures tentent ici de dialoguer avec la minéralité de l’art inuit. L’exposition vaut pour la découverte de ces artistes venus d’horizons lointains, dont certains, comme l’Australien Dennis Nona, se sont déjà fait une place dans le monde de l’art. Elle pêche toutefois par un manque de rigueur en enrôlant sous la bannière aborigène et inuit des productions autochtones de zones géographiques assez larges, qui étonneront les spécialistes.

GRAND NORD GRAND SUD, ARTISTES INUIT ET ABORIGÈNES

jusqu’au 28 novembre, abbaye de Daoulas, 29460 Daoulas, tél. 02 98 25 84 39, www.cdp29.fr, tlj 10h30-18h30. Catalogue, éd. Palantines, 175 p., 35 euros, ISBN 978-2-3567-8034-8

GRAND NORD GRAND SUD

- Commissariat général : Philippe Ifri, directeur général, EPCC Chemins du patrimoine en Finistère ; Michel Côté, ancien directeur du Musée des confluences à Lyon

- Scénographie : Guliver Design (Philippe Comte)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°329 du 9 juillet 2010, avec le titre suivant : Revendications autochtones

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