En mettant en parallèle l’œuvre du cinéaste et celle du peintre, la cinémathèque française ouvre ses portes en rendant un bel hommage à Auguste et Jean Renoir.
« J’ai passé ma vie à tenter de déterminer l’influence de mon père sur moi », disait Jean Renoir (1894-1979). Au regard de ses films, ce sont d’abord des thèmes communs qui témoignent de l’évidence de cette influence. L’autoportrait, les scènes de famille, le rapport au plaisir et à la sensualité, l’importance de la nature caractérisent tant la peinture d’Auguste Renoir (1841-1919) que l’œuvre cinématographique de son fils.
Cette exposition, conçue par Serge Toubiana et Serge Lemoine pour inaugurer la nouvelle Cinémathèque française – présidée par Claude Berri –, est donc une histoire de famille. Outre Auguste et Jean, les Renoir comptent d’autres artistes, Pierre (comédien) et Claude dit Coco (céramiste) – fils du peintre – et Claude junior, fils de Pierre (directeur de la photographie). La famille représente pour Auguste Renoir une importante source d’inspiration, tandis que Jean se met lui-même en scène et fait volontiers collaborer les siens à ses films.
Le parcours s’ouvre logiquement sur une série de photographies et de portraits du « clan » Renoir, dont un beau portrait d’Auguste par Frédéric Bazille (1967) et un étonnant tableau montrant le marchand d’art Ambroise Vollard en costume de toréador (1917). Puis, en mettant en parallèle tableaux et extraits de films, l’exposition se déroule comme une promenade dans l’œuvre du peintre et du cinéaste, au gré de rapprochements thématiques ou formels.
Les femmes occupent chez l’un comme chez l’autre une place particulière, notamment Gabrielle – muse d’Auguste et gouvernante de Jean – et Catherine Hessling, dernier modèle du peintre, épouse et actrice fétiche de Jean pour ses cinq premiers films muets. Une baigneuse (Étude. Torse, effet de soleil, 1876) accompagne quelques minutes du Déjeuner sur l’herbe qui démontrent à quel point Jean Renoir s’intéresse aux mouvements de l’eau et du vent, aux effets de lumière, à la nature et au corps des femmes ; autant de préoccupations typiquement impressionnistes.
Guinguettes et canotiers
Les guinguettes, les canotiers ou les blanchisseuses sont également des sujets récurrents : La Grenouillère (1871) et Les Canotiers à Chatou (1879) sont présentés aux côtés d’un extrait de Partie de Campagne (1936) montrant Sylvia Bataille et Georges Darnoux en canotage sur le Loing. Le père et le fils témoignent du même intérêt pour les lumières du Sud – Les Collettes, peintes par Renoir à la fin de sa vie, constituent aussi le décor du Déjeuner sur l’herbe du cinéaste – et pour les paysages exotiques (l’Inde dans le film Le Fleuve ; un Paysage algérien d’Auguste Renoir). La cinquième et dernière section est consacrée aux grandes compositions du peintre (Danse à la ville et Danse à la campagne ; Le Bal du Moulin de la Galette), mises en regard avec les films les plus spectaculaires, les plus colorés et les plus vivants du réalisateur, French cancan (1954) ou le moins connu Élena et les hommes (1956).
Dans le même esprit que l’exposition organisée récemment à Lyon sur « L’Impressionnisme et la naissance du cinéma » (cf. L’Œil n° 569), « Renoir Renoir » explore un sujet à ce jour étonnamment peu exploité. Que l’on soit admirateur du cinéaste, du peintre ou des deux artistes, le plaisir de la visite est à la hauteur des espérances. À Lyon, la fascination et l’émotion que suscitaient les premiers films des frères Lumière faisaient parfois de l’ombre à un choix d’œuvres impressionnistes pourtant de qualité. Ici, l’équilibre est pleinement réussi et le choix de peintures opéré par Serge Lemoine – puisé dans les collections du musée d’Orsay mais aussi dans des collections particulières –, s’avère remarquable. Une quarantaine de toiles prennent une vie nouvelle au contact des extraits de films. L’ensemble dégage une sympathique fraîcheur, dans un espace aéré où les œuvres respirent. On ressort avec l’envie de voir ou revoir tous les films du cinéaste, et de se plonger dans la lecture du livre qui accompagne l’exposition, ouvrage de fond qui n’en est pas seulement le catalogue mais qui propose d’intéressants essais et un ensemble de documents inédits.
« Renoir Renoir », PARIS, Cinémathèque française-musée du Cinéma, 51 rue de Bercy, XIIe, tél. 01 71 19 33 33, www.cinematheque.fr, jusqu’au 9 janvier 2006, cat. La Martinière/Cinémathèque française, 240 p., 35 euros. Intégrale des films de Jean Renoir, 28 septembre-31 décembre. À lire : Célia Bertin, Jean Renoir cinéaste, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard », 13 euros.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Renoir de père en fils
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°574 du 1 novembre 2005, avec le titre suivant : Renoir de père en fils