Archéologue de renommée internationale et muséologue, Wolf-Dieter Heilmeyer a été l’un
des artisans du projet
de rénovation de l’île des Musées (lire le JdA n° 125, 13 avril 2001), notamment
de la désormais célèbre « promenade archéologique » – un parcours interdisciplinaire qui présentera les civilisations du passé à la lumière de thèmes d’actualité. Directeur du Musée des antiquités de Berlin-Ouest de 1978 à 1991, il a par la suite été nommé à la tête
des collections d’Antiquités
des musées nationaux berlinois, qui comptent parmi les plus importantes du monde. Également titulaire d’une chaire à la Freie Universität
de Berlin, Heilmeyer a organisé depuis 1988 une série d’expositions couronnées
de succès telles « L’Empereur Auguste et la république perdue », « Les Étrusques
et l’Europe » et « Le classicisme grec. Idée ou réalité » –
un projet monumental présentant quelque 600 œuvres provenant de musées du monde entier. À l’occasion de cette manifestation, Wolf-Dieter Heilmeyer expose son point
de vue sur la période et entend, grâce à cette exposition, renouveler et enrichir
certaines théories de
l’histoire de l’art antique.
Comment cette exposition a-t-elle vu le jour ?
Une série de conférences sur le classicisme grec a eu lieu en Allemagne dans les années 1990. Au cours d’un congrès international organisé à Blaubeuren, nous sommes convenus, notamment avec nos collègues italiens et grecs, qu’il était temps d’organiser une exposition sur ce thème. À partir de la deuxième moitié du XXe siècle, peu de personnes se sont consacrées au classicisme grec. Certes, dans les années 1930, ce concept avait eu une forte connotation politique en Allemagne comme en Italie. Ceux qui étaient étudiants, comme moi, dans les années 1950 et 1960 préféraient alors se concentrer sur d’autres sujets. En revanche, aujourd’hui, la nouvelle génération d’archéologues manifeste beaucoup d’intérêt pour le “classique”. Cela vient aussi du fait que des progrès considérables ont été effectués dans le domaine de la recherche. Ce qui est ressorti des récentes campagnes de fouilles en Grèce, mais aussi au sud de l’Italie, va bien au-delà du concept habituel de “classique” comme synonyme de règle et de norme.
D’où proviennent les œuvres présentées ?
Environ soixante-dix œuvres viennent de notre musée, que nous avons pour ainsi dire “pillé” ! La contribution de Berlin à l’exposition est d’environ 10 %, celle de l’Italie de 20 %, et de 22 % pour la Grèce. Le reste des prêts provient d’Espagne, d’Angleterre, des États-Unis, de Russie ou encore du Japon.
L’exposition s’adresse-t-elle au grand public ou aux archéologues ?
Il ne s’agit pas d’une exposition pensée en particulier pour les archéologues, lesquels trouveront toutefois des surprises, surtout dans la section sur l’acceptation du concept de classicisme grec. Celle-ci est examinée de l’époque des anciens Romains jusqu’à la Renaissance, de l’Antiquité jusqu’à nos jours, puisque nous avons même invité le jeune groupe des “néo-universitaires” de Saint-Pétersbourg. Quant au grand public, nous avons surtout imaginé des visiteurs curieux, qui sortiront probablement de l’exposition avec plus d’interrogations qu’à leur arrivée. Nous espérons qu’ils auront compris que le classicisme est un ensemble comportant plusieurs strates – une combinaison de questions fondamentales sur la vie qui reviennent toujours dans l’histoire de l’humanité. L’organisation même de l’exposition a été conçue de façon à faire participer et à émouvoir, notamment grâce à un éclairage exceptionnel. Il existe ensuite naturellement une série de moments forts comme l’Enfant d’Agrigente, la Tête en bronze de Florence ou le Sophocle du Vatican. Comme nous nous adressons à un public international, les textes, hormis ceux qui se trouvent à l’intérieur des vitrines où l’espace est toujours limité, sont en anglais et les audio-guides proposent un parcours de l’exposition en six langues.
Quelles sont les nouveautés pour les experts ?
Dans la première section, “Athènes et le monde au Ve siècle avant l’ère chrétienne”, nous montrons par exemple des objets d’art japonais et la comparaison avec les pièces grecques contemporaines est absolument surprenante. “La politique et le public” présente un cadre de la société athénienne à partir d’une reconstruction historique très profonde et détaillée que tous les archéologues ne connaissent pas encore. Le chapitre sur l’acceptation du classicisme hellénique à l’époque romaine pourra particulièrement intéresser les archéologues italiens. Comme on le sait, les Romains ont rapporté en Italie de nombreux originaux grecs dans le but de vérifier leurs propres critères du classicisme. Nous savons par exemple que Cicéron commandait des pièces en Grèce. Les siècles ont passé et les musées italiens regorgent de copies d’originaux de l’Antiquité exécutés à l’époque romaine. Le résultat est que souvent, et notamment en Italie, le classicisme grec est perçu à travers un prisme romain.
Il est possible de voir pour la première fois dans cette exposition aussi bien le classicisme grec que le prisme romain, ce qui, j’imagine, doit être particulièrement stimulant pour les Italiens. J’espère que notre catalogue deviendra une sorte de manuel d’archéologie, à l’instar de celui de l’exposition sur l’Empereur Auguste.
- Le classicisme grec. Idée ou réalité, jusqu’au 2 juin, Martin-Gropius-Bau, Niederkirchnerstrasse 7, Berlin, tél. 49 30 254 86 112, tlj sauf mardi 10h-20h.
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Relire le classicisme grec
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°146 du 5 avril 2002, avec le titre suivant : Relire le classicisme grec