Souverains, religieux, nobles, bourgeois, intellectuels, figures féminines et personnages anonymes, l’œuvre portraituré de Titien est très varié. À l’analyse, on peut y déterminer une typologie qui comprendrait sept sections distinctes au regard des modèles représentés. La parcourir, c’est un peu jouer au jeu des sept familles, chacune comptant de nombreux chefs-d'œuvre pour lesquels le plaisir de la contemplation ne connaît aucune espèce d’épuisement.
François Ier, le choix du profil vient d’une médaille
Dans la famille des souverains, versant temporel, par exemple, il suffit de demander François Ier (vers 1539). Le portrait que Titien en a brossé est un aveu : le peintre n’a jamais rencontré le roi et l’image qu’il nous en donne a été faite d’après une médaille, d’où la pose qu’il a retenue. Si le profil est
à cette époque un véritable archaïsme, Titien réussit toutefois à donner de son modèle une figure bonhomme et vivante.
Versant spirituel, le tableau qui représente le pape Paul III (1545-1546) est tout d’humanité sensible et fragilisée. Tassé sur son trône, recouvert de son manteau pourpre, le monumental Saint-Père y montre un visage d’homme fatigué par le pouvoir mais puissamment accroché à lui.
L’Arétin, poète rebelle à la vie mondaine
Dans la famille des seigneurs et des princes, Titien peint l’arrogant Francesco Maria Della Rovere (1536-1538). Inscrite à l’inventaire de toutes ces figures nobles qu’il a réalisées, immortalisant ainsi le caractère officiel de leur charge, il le représente vêtu de son armure. S’il rend parfaitement compte de la superbe de son modèle, Titien en profite surtout pour faire jouer la lumière sur sa cuirasse, n’oubliant jamais de privilégier la peinture elle-même à tout autre sujet.
Dans la famille des intellectuels, le portrait de son ami et poète l’Arétin (1545) est l’une de ses meilleures cartes. Énorme, la face rubiconde avec sa barbe démesurément longue, enveloppée dans une robe de chambre cramoisie, l’image que le peintre brosse du poète est celle d’un jouisseur professionnel. D’un réalisme poussé dans ses retranchements, elle en dit long sur la belle vie qu’il menait !
Dans la famille des figures féminines, on trouve aussi bien des personnages réels que fictifs. Le portrait d’Isabelle d’Este que peint Titien en 1534, alors qu’elle est âgée de soixante ans, présente curieusement tous les traits d’une jeune et fringante femme. L’artiste n’a aucun scrupule pour travestir la réalité et, pour ce faire, prend pour modèle un portrait de jeunesse peint par un confrère aîné, Francesco Francia !
Quant à sa Judith (1565), sereine et sensuelle, mais poignard en main et tête d’Holopherne de l’autre, elle ne semble pas même affectée par l’horreur du geste qu’elle vient d’accomplir. Tardive, l’œuvre présente une étonnante liberté de facture qui annonce les temps à venir.
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Religieux et politiciens, poètes et mécènes… Toute la société s’est inclinée devant le pinceau de Titien
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°585 du 1 novembre 2006, avec le titre suivant : Religieux et politiciens, poètes et mécènes… Toute la société s’est inclinée devant le pinceau de Titien