PARIS
Le Centre Pompidou apporte un récit original sur le camps de migrants et de réfugiés de Calais, en croisant trois témoignages différents.
Paris. Le début du travail de Bruno Serralongue sur la « jungle » de Calais remonte à 2006 et à son projet documentaire Calais 2006-2018. Comme nombre de ses séries, il l’a inscrit dans un temps long et ouvert. D’autres lieux bien avant le Centre Pompidou l’ont exposé, mais jamais associé à d’autres travaux, comme cette fois-ci avec l’AFP et les témoignages de ceux qui y sont passés. La proposition de Florian Ebner, chef du cabinet de la photographie du centre, fait sens comme la dizaine d’images de l’artiste sur l’évolution de la situation des réfugiés au cours de ces treize dernières années. Il aurait pu se contenter de faire un simple accrochage de ces grands et moyens formats pour la plupart peu montrés ou inédits. Il aurait pu aussi les faire simplement dialoguer avec d’autres travaux photographiques.
Mais il a préféré replacer le travail de Serralongue dans le contexte des images de l’AFP diffusées dans les médias, et de la parole des réfugiés eux-mêmes, à la différence de l’exposition « Réinventer Calais » présentée à l’automne dernier au Centre photographique d’Ile-de-France (CPIF).
Les flots d’images produites sur la « jungle » de Calais, le choix et le traitement qu’en font les médias, les politiques et les gouvernements posent la question de la représentation, mais aussi de la raison de ces images. Il s’agit moins de les opposer que de les rassembler pour comprendre ce que signifie aujourd’hui documenter et témoigner.
Invitant différents acteurs, le Centre Pompidou décloisonne, déhiérarchise les genres pour aborder la question essentielle des fonctions, des pratiques, des usages et des enjeux de la photographie. Le découpage en trois parties conduit ainsi du traitement de l’AFP et des médias à la démarche et à la vision de Bruno Serralongue, pour finir sur celles des réfugiés, migrants ou associations. Trois voix, trois cheminements distincts que chaque espace laisse exprimer clairement, sans qu’aucun ne perde de sa pertinence.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°536 du 3 janvier 2020, avec le titre suivant : Regards croisés sur la « jungle » de Calais