« La peinture après l’abstraction, 1955-1975 », ce titre provocateur – n’y aurait-il plus d’art abstrait après 55 ? – est d’autant plus intrigant qu’il confronte des artistes très différents.
Jean Degottex, Martin Barré et Simon Hantaï, qu’ont-ils de commun, d’abord entre eux, ensuite avec Raymond Hains et Jacques Villéglé, connus comme « décollagistes » d’affiches lacérées ? Alain Cueff, commissaire de l’exposition, s’en explique : ce titre « n’est évidemment pas à prendre au pied de la lettre (...) il suggère en revanche que l’abstraction, en tant que concept et en tant que dogme, dans ses dimensions idéologique et académique, n’est plus l’horizon prioritaire et exclusif de ces œuvres...». Celles-ci s’inscrivent dans « l’ouverture d’un autre espace de réflexion et de possibles références ». Il s’agit d’une alternative nouvelle aux deux références dominantes de l’époque : d’une part l’abstraction, puriste, idéaliste ou gestuelle et lyrique, de l’autre le surréalisme qui entretient l’illusion de l’automatisme. L’une comme l’autre se sont érigées en dogmes, sans prendre acte de l’effondrement des valeurs entraîné par les événements historiques.
Cet « autre espace » est celui d’une peinture considérée, non plus comme catégorie repliée sur son histoire et déterminée par ses moyens de production (un « savoir faire »), mais dans sa « dimension paradigmatique » : comme lieu de convergence de tout ce qui peut la questionner. Ce que font les œuvres de Villéglé et de Hains incitant à « regarder le monde comme un tableau ». Mais aussi celles des trois autres artistes qui interrogent la peinture dans sa matérialité à travers une pratique expérimentale qui multiplie les procédés atypiques tels que, par exemple, palimpseste, pliage et dépliage pour Hantaï. Cette confrontation, en dehors des habituels étiquetages, s’avère pertinente et féconde en éclairant des enjeux vitaux pour le devenir de la peinture. En outre, loin de gommer les différences pour les besoins d’une démonstration, l’exposition montre aussi les prémisses et le développement ultérieur de chacun des artistes.
Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, jusqu’au 19 septembre, cat. éd. Paris-Musées, bil. franç./angl., 244 p., 133 ill., 320 F.
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Regarder le monde comme un tableau
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°507 du 1 juin 1999, avec le titre suivant : Regarder le monde comme un tableau