Le Musée Vincent Van Gogh s’impose comme un des centres de recherche les plus dynamiques dans le domaine du XIXe siècle. L’exposition \"In perfect Harmony\" pose aujourd’hui la question des relations de l’image au cadre. Une découverte jalonnée de chefs-d’œuvre, qui devrait enseigner au visiteur, et surtout aux éditeurs, à regarder les cadres. Ils sont eux aussi l’image.
AMSTERDAM - L’exposition, placée sous la direction d’Eva Mendgen, retrace en une cinquantaine d’œuvres l’évolution d’une relation au cadre, qui semble avoir dominé l’Europe fin de siècle. Le cadre, en tant qu’objet, s’impose d’abord comme un complément de l’image, qu’il limite et dont il sacralise la valeur. Stucs et dorures signalent la qualité de l’œuvre et participent à la reconnaissance de l’objet. Sa fonction est multiple : il s’associe à l’image en jouant de son articulation pour renforcer l’effet de seuil ou pour en souligner la valeur perspective.
Dans le contexte historiciste, le cadre devient tantôt un meuble, tantôt il s’imagine plafond, comme dans l’étonnant Sieste à la cour des Médicis de Hans Makart. Portés par leur goût pour les Primitifs, les préraphaélites développent une réelle stratégie du cadre comme support de l’image. L’écriture y vient doubler la peinture, et les références au tableau d’autel se multiplient. À l’intérieur même de l’image s’organisent des niveaux de lecture qui font que les scènes se répondent. La narration devient cinématographique avant la lettre, et l’image prend une densité théâtrale que Khnopff, Stuck ou Klimt exploiteront bientôt.
Le cadre est une signature en soi
Whistler constitue le point principal de l’exposition. Avec lui, le cadre devient le centre d’une recherche d’harmonie qui fait de l’exposition une œuvre d’art totale. Le cadre est une signature en soi, qui double l’image, l’équilibre et l’invite à s’étendre, sous une forme plus abstraite et plus décorative, dans l’espace quotidien. En France, l’Impressionnisme participe aussi au débat : Degas et Pissarro exploitent les possibilités du cadre blanc qui stabilise l’image vis-à-vis de son environnement, avant d’affirmer dans des passe-partout de couleur un principe d’harmonie décoratif.
Avec Seurat, le cadre se démultiplie pour donner à l’image, reflet d’une perfection symbolique en tant que lumière pure décomposée, son équilibre définitif. Seurat essaie, tâtonne et explore des possibilités qui, progressivement, marquent l’envahissement de la réalité par la couleur. Le cadre devient un enjeu que les avant-gardes exploreront, des futuristes italiens à Kandinsky ou Mondrian, en passant par les expressionnistes, Picasso, Delaunay, Picabia ou Dali.
L’exposition d’Amsterdam, et plus encore son catalogue, constituent une contribution appréciable à l’étude de l’image telle qu’elle s’est développée de 1850 aux années vingt. Le problème du cadre trahit la conception que chaque artiste se fait de l’image et témoigne de la fonction que celle-ci aura à jouer dans l’espace qui l’accueille. Gageons que les visiteurs ne se déplaceront pas uniquement pour regarder quelques chefs-d’œuvre comme la Judith de Klimt, King Cophetua de Burne-Jones, Avec Verhaeren de Khnopff ou Dantis Amor de Rossetti.
"In Perfect Harmony. Picture Frame 1850-1920", Rijksmuseum Vincent Van Gogh, Amsterdam, jusqu’au 25 juin. Renseignements tél. (31) 20-570 52 00. Entrée 12,5 DFL. Catalogue de 278 pages en anglais.
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Recherche vieux cadre dynamique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°15 du 1 juin 1995, avec le titre suivant : Recherche vieux cadre dynamique