Qui observe l’œuvre tardive d’une figure canonisée par l’histoire de l’art du xxe siècle, peine parfois à jeter sur elle un œil loyal et contemporain. Ledit œil pourrait bien se voir pollué par les clichés de l’histoire. Le musée d’Art moderne et contemporain de Nice prend ce risque-là, celui de présenter les expériences récentes de Rauschenberg, père validé du Pop Art et acteur essentiel de l’histoire de l’art contemporain. Celui qui entreprit d’effacer en 1953 un tableau de De Kooning, rompant avec le dogme normatif des expressionnistes abstraits, celui qui déversa sur des surfaces basculées à la verticale, le réel et sa valeur d’usage tout entier, celui qui fit chanceler le geste et les catégories artistiques traditionnelles par un puissant foisonnement des techniques, poursuit son énergique bonhomme de chemin. Rauschenberg remet donc en jeu ses surfaces complexes et hybrides, puisant dans le réel des fragments impurs d’objets manufacturés. Quitte à faire de l’assemblage et du collage une manière. En écho à ses expériences inaugurales, la série des Gluts, amorcée au milieu des années 1980 et dévoilée dans l’exposition, reprend ses âpres collectes sous forme de combinaisons conflictuelles, de contaminations de matières et d’objets ou de surfaces indécises. Avec économie. L’artiste américain récolte carcasses, torses de voitures, panneaux de signalisation rouillés, publicités, stores détraqués, détritus colorés qu’il combine en reliefs monumentaux appliqués aux murs ou libérés du plan sous forme de sculptures. Un paysage métallique et décadent de la culture américaine des années 1980, oscillant entre malice kitsch et critique teintée de nostalgie et de vitalité.
« Robert Rauschenberg : on and off the wall, œuvres des années 1980 et 1990 », NICE (06), musée d’Art moderne et contemporain, promenade des arts, 24 juin-8 janvier 2006, tél. 04 93 62 61 62.
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Rauschenberg : le fatras du réel ou comment résister à l’histoire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°571 du 1 juillet 2005, avec le titre suivant : Rauschenberg : le fatras du réel ou comment résister à l’histoire