Depuis le XVe siècle, la famille Raku fabrique ses célèbres bols à thé noirs ou rouges, aux formes irrégulières. Les cent pièces présentées à Paris retracent l’évolution de sa production, depuis Chôjiro, fondateur de la dynastie, à son dernier représentant en date, Kichizaemon XV.
PARIS. “La tradition familiale m’a été transmise par mon père sans qu’aucune parole à ce sujet ne soit échangée entre nous. Elle a été transmise et c’est tout. Aujourd’hui, j’ai également le devoir de ne pas contraindre mes fils, mais de leur faire comprendre le message implicitement.” C’est sur le ton de l’évidence que Kichizaemon XV explique la vocation de potier dans la famille Raku. Les méthodes de fabrication passent ainsi d’une génération à l’autre depuis le XVIe siècle. Le fondateur de la dynastie, Chôjiro, contemporain du maître du thé Sen no Rikyû, a inventé le modèle de bol à thé qui a assuré le renom de sa famille. Monochrome, rouge ou noir, et de forme irrégulière, le bol Raku témoigne de la formalisation du rituel wabi dans la cérémonie du thé. “Le wabi est la beauté de l’imperfection et de l’incomplet, une discipline où l’esprit tend à découvrir sa propre vérité dans la relativité et non dans l’absolu et l’objectivité”, indique Kichizaemon XV. L’aspect inachevé des bols Raku est l’écho d’un monde impermanent, en état de transformation constante. Il renvoie également à la notion de naturel qui affecte si profondément le mode de pensée japonais. L’esthétique si caractéristique des céramiques Raku est le fruit d’une technique qu’il appartient à chaque génération de redécouvrir. “La base du bol à thé est la forme des mains”. Celui-ci est “moulé avec les deux mains et pas avec les seuls doigts”, souligne Kichizaemon XV. Après ce façonnage, le bol est travaillé à la spatule, puis passé au four individuellement. Une cuisson rapide permet à la céramique de conserver une texture soyeuse, dont le toucher est source de sensations raffinées. Aux formes sévères – expression d’une véritable abstraction spirituelle – créées par Chôjiro, ses successeurs ont apporté une série d’évolutions, de l’introduction d’une glaçure blanche à la recherche d’effets décoratifs. Des nuances dans les rouges et les noirs ont été obtenues par une modulation de la cuisson. Ces nouveautés ne doivent pas masquer la continuité entre les générations successives. À cet égard, la manière originale dont la tradition se transmet mérite d’être soulignée. Chaque potier doit découvrir lui-même les techniques de fabrication, afin de se les approprier et d’en pénétrer l’esprit. Par ailleurs, chaque génération travaille avec des argiles collectées par ses prédécesseurs. Ainsi Kichizaemon XV utilise-t-il des matériaux préparés par son grand-père il y a 80 ans.
RAKU, UNE DYNASTIE DE CÉRAMISTES JAPONAIS, jusqu’au 10 décembre, Maison de la culture du Japon à Paris, 101bis quai Branly, 75015 Paris, tél. 01 44 37 95 00, du mardi au samedi 12h-19h. Catalogue 220 p., 150 F.
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Raku : le rouge et le noir
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°48 du 21 novembre 1997, avec le titre suivant : Raku : le rouge et le noir