Antonio Paolucci, ancien ministre italien des Biens culturels aujourd’hui surintendant aux Biens artistiques de la Ville de Florence, a retiré la direction du projet de réaménagement du Musée des Offices à sa directrice, Anna Maria Petrioli Tofani. Afin d’accélérer les travaux, l’ancien ministre a préféré prendre personnellement en main les opérations, tout en s’entourant d’une commission ministérielle chargée d’étudier le projet des \"Nouveaux Offices\". Institution constamment remaniée au fil des redéploiements successifs de ses collections, les Offices conservent néanmoins certains témoignages immuables de son passé de collection princière, comme la Tribune de Buontalenti. L’avenir du musée est à l’origine de la scission qui s’est opérée entre Antonio Paolucci et Anna Maria Petrioli Tofani. Les deux protagonistes s’opposent non seulement sur le plan des principes esthétiques et historiques, mais également sur celui des solutions techniques à adopter pour la rénovation du \"musée des musées\" de Florence.
Dr Antonio Paolucci, où en sont les travaux de réaménagement des Offices qui auraient dû être terminés depuis des années ?
Antonio Paolucci : Nous avons pris un retard considérable par rapport à nos engagements. L’attentat à la bombe perpétré en 1993 a entraîné des dépenses et des retards qui ont bouleversé le calendrier, mais le fond du problème est apparu clairement en mars 1995, à l’occasion d’un colloque sur les Offices organisé à Florence par l’association Bianchi Bandinelli. Ce colloque international a montré que si le projet des "Grands Offices" existait bel et bien depuis 1966, il se limitait en fait à une déclaration d’intentions. Même depuis sa remise à l’ordre du jour, en 1987, toute une série de problèmes restaient à traiter : du redéploiement des collections aux issues de secours, en passant par le futur emplacement des bureaux de la surintendance qui occupent en partie le bâtiment de Vasari. En l’état, ce projet ne pouvait se concrétiser.
Il semble que l’un des points les plus controversés du projet concerne la création d’une nouvelle sortie et la gestion des flux de visiteurs ?
C’est un problème sérieux, si l’on songe que le musée accueille chaque année 1,1 million de visiteurs. Dans le projet des "Nouveaux Offices", qui a remplacé celui des "Grands Offices", la sortie devrait se faire sur la piazza Castellani. Cette solution oblige à libérer les espaces actuellement occupés par les bureaux de la surintendance. Lorsque j’étais ministre, j’ai encouragé l’acquisition du complexe Bardini, où une partie de la surintendance pourrait s’installer. Cette question délicate devra être discutée.
La possibilité d’installer un restaurant paraît également incertaine.
Le lieu prévu pour cette installation est aujourd’hui occupé principalement par les laboratoires de restauration de la surintendance. Mais nous avons trouvé où réinstaller ces derniers et la situation est débloquée.
Ne pensez-vous pas que la commission aurait pu s’entourer de muséographes internationaux ayant déjà affronté et résolu les problèmes liés à l’organisation des flux de visiteurs ?
La commission regroupe en son sein les compétences techniques et les savoirs spécifiques requis pour résoudre ce genre de problèmes sans avoir à recourir aux Ieoh Ming Pei, Renzo Piano et autres Gae Aulenti, cela dit avec tout le respect que ces remarquables professionnels m’inspirent.
Quelles sont les perspectives muséologiques des "Nouveaux Offices" ?
Le problème est double. Si la gestion des flux de visiteurs est en passe d’être résolue, le redéploiement et les limites du champ des collections n’a pas encore fait l’objet d’une décision. Deux théories s’opposent, toutes deux légitimes. Selon la première, les Offices doivent être un musée représentatif de toutes les écoles italiennes – et pas seulement italiennes, du reste – des origines au XXe siècle inclus. À ce musée didactique embrassant toute l’histoire de l’art, d’autres opposent l’idée d’un musée restreint à une période historique déterminée allant de Cimabue à Caravage. À partir du XVIIe siècle, la collection de peintures des Offices ne soutient plus la comparaison avec celles des autres grands musées étrangers et devient de plus en plus médiocre, en l’absence quasi totale de chefs-d’œuvre. Au lieu de s’échiner à maintenir artificiellement une exhaustivité pour laquelle nous ne disposons pas des matériaux artistiques suffisants, nous pourrions procéder par thèmes : autoportraits, école flamande, paysages, etc. Les deux points de vue ont leur noblesse et leur légitimité ; les choix se prêtent à tous les ajustements que l’on peut souhaiter. Tels sont les points à propos desquels il faut trancher.
Pr Anna Maria Petrioli Tofani, quelles sont vos réserves à propos de la commission nommée par Antonio Paolucci ?
Anna Maria Petrioli Tofani : Je ferai simplement remarquer que la commission ministérielle ne comporte pas un seul membre qui ait travaillé, je ne dis pas aux Offices, mais dans un musée quelconque. Ce sont tous d’excellents professionnels dans leur domaine, mais dont les compétences et les problématiques sont totalement différentes de celles qu’exige un musée.
Quelle est votre conception muséologique des "Nouveaux Offices" ?
C’est un autre point de divergence avec la commission Paolucci. Étant donné le caractère de ses collections qui sont articulées par époques et par écoles comme aucun autre musée italien, les Offices sont nécessairement voués à représenter l’évolution de l’art figuratif en Italie, depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours. Il faut poursuivre un processus d’acquisition qui n’a jamais cessé au fil des siècles. Les Médicis ont les premiers constitué les collections que tous connaissent, puis la maison de Lorraine a contribué à les augmenter. Peut-être y a-t-il eu un léger ralentissement sous le règne de la maison de Savoie, mais l’enrichissement des collections ne s’est jamais interrompu. Même pour le XIXe siècle, certes beaucoup moins riche que d’autres époques, nous possédons des chefs-d’œuvre italiens et européens de très haut niveau, notamment dans le domaine des autoportraits. En raison même de son caractère, le musée devrait exposer des œuvres "historicisées", dotées d’une représentativité historique si ce n’est qualitative. Il ne s’agit pas de commander à un artiste contemporain une œuvre pour les Offices, ni de prétendre qu’il puisse devenir un musée d’art contemporain, mais lorsque se présente l’occasion d’acquérir une œuvre de Burri, comme le cellotex de 1969 que l’artiste nous a donné un an avant sa disparition, il est clair que ce type d’occasion doit être saisie.
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Quel Musée des Offices pour l’an 2000 ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°38 du 16 mai 1997, avec le titre suivant : Quel Musée des Offices pour l’an 2000 ?