Le Musée Rodin présente la « face cachée » de l’œuvre du sculpteur : 300 dessins réalisés au cours de ses trente dernières années.
PARIS - À partir des années 1890, Auguste Rodin accorde une place toujours plus importante au dessin dans son œuvre. Dépourvu de la force qui caractérisait le jeune sculpteur qu’il a été, le sexagénaire s’astreint chaque jour au travail d’après nature. Contrairement à d’autres artistes pour lesquels l’étude graphique fait partie des étapes préparatoires à une œuvre, quand celles-ci ne relèvent pas du domaine de l’intime, Auguste Rodin prend plaisir à exposer ces feuilles dans le cadre de rétrospectives européennes au tournant du XXe siècle. Sur les 7 000 dessins répertoriés, 6 000 concernent à eux seuls les trois décennies qui précèdent la mort de l’artiste en 1917.
La collection du Musée Rodin, à Paris, recèle des merveilles aujourd’hui présentées sous leur meilleur jour. La commissaire de l’exposition, Nadine Lehni, s’est efforcée d’établir des séquences (15 en tout) correspondant à de vastes ensembles (le dessin instantané, les figures dans l’espace, Psyché…). On pense à Klimt devant la langueur et la liberté des corps féminins, et, plus près de nous, à Marlene Dumas, visiblement inspirée par la manière dont Rodin fait couler l’aquarelle à grosses gouttes sur les silhouettes dessinées au crayon. Car les corps, s’ils ne prennent jamais la pose, expriment une tension soulignée par la rapidité du trait et de la répétition du geste. Cette constance du mouvement dérive de la pensée du sculpteur, qui voit son sujet en trois dimensions – une statue n’est pas faite pour être observée sans bouger. Chez Rodin, le dessin ne se réduit pas au trait : la couleur vive et chatoyante domine la fin du parcours. L’aquarelle noie les modèles sous la couleur. Une présentation splendide.
Subjugué par une rencontre avec l’œuvre de Rodin en 1996, le chorégraphe britannique Russell Maliphant a créé début février, au Théâtre national de Chaillot à Paris, son Projet Rodin. Une pièce pour six danseurs, évoquant d’abord les dessins puis les sculptures du maître de Meudon. Si le spectateur se surprend à reconnaître certaines citations littérales et indispensables, comme l’Éternel printemps, le Penseur, ou l’Âge d’airain, le lien avec l’esprit du sculpteur naît de l’impressionnante énergie dégagée par les interprètes. Formés au hip-hop et à la capoeira pour les uns, au ballet classique pour les autres, les danseurs possèdent la puissance et l’animalité des modèles sculptés, tandis que les danseuses évoquent l’évanescence des silhouettes dessinées et le classicisme de la statuaire grec que Rodin collectionnait par fragments. Mise en relief par la musique enivrante d’Alexander Zekke, la chorégraphie multiplie les torsions et les spirales : dans un même mouvement, les corps sont ancrés au sol et s’envolent.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Quand Rodin s’effeuille
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Commissaire : Nadine Lehni, conservatrice en chef du patrimoine au musée
Jusqu’au 1er avril, Musée Rodin, 79, rue de Varenne, 75007 Paris, tél. 01 44 18 61 10, www.musee-rodin.fr, tlj sauf lundi 10h-18h, 10h-20h45 le mercredi. Catalogue, coéd. Musée Rodin/Nicolas Chaudun, 256 p., 39 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°363 du 17 février 2012, avec le titre suivant : Quand Rodin s’effeuille