Quand la russie voit la vie en rouge

Jusqu’en 1913, la photographie couleur russe colle aux techniques et procédés européens. Quelques grands noms de cette période (Nechayev, Pavlov, Mazourine, Prokudine-Gorsky), des anonymes et des amateurs talentueux inconnus jusque-là, tel Vedenissov (une des révélations de cette exposition), éclairent ces décennies colorées où le rouge renvoie surtout aux habits traditionnels. Sphère familiale, portraits, grands bâtiments publics, monastères et voyages ethnographiques dans les différentes régions de l’empire constituent l’essentiel des prises de vue retenues ici. 

Passé 1917, le rouge devient couleur nationale, comme le montre de manière radicale l’exposition. Il s’inscrit en dominante dans les clichés de propagande de Vassili Utiline et Yakov Khalip ou les photomontages de Rodchenko et Stepanova célébrant le peuple uni, la société nouvelle et les nouveaux maîtres du pays. À partir de 1946, la fabrication sur le sol soviétique de la pellicule couleur entrouvre la chronique d’un pays que le photographe officiel Dmitri Baltermants développe avec talent, tandis que les photographies colorées ou les diapositives du dissident Boris Mikaïlov portent en elles le souffle de la subversion, le rouge, là, en aiguillon.