Architecture

Promenade art et architecturesur la Côte d'Azur

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 25 juin 2013 - 1442 mots

La Riviera française regorge de lieux emblématiques, mythiques ou peu connus. La période estivale étant propice à leur (re)découverte, périple entre Marseille et Roquebrune-Cap-Martin.

Figure emblématique de l’architecture phocéenne sinon de l’architecture tout court, Le Corbusier ne sera certes pas oublié par « Marseille-Provence, capitale européenne de la culture 2013 », avec une rétrospective prévue en fin d’année. L’occasion est belle de prendre les devants et d’user de l’œuvre de ce fieffé architecte comme fil conducteur d’une balade artistico-architecturale en région PACA. Celle-ci est délimitée par deux édifices phares : d’un côté, la Maison du fada – dixit les Marseillais –, autrement dit la Cité radieuse de Marseille, de l’autre, le château sur la Côte d’Azur – dixit Le Corbusier –, en l’occurrence son fameux Cabanon, à Roquebrune-Cap-Martin. 

Trajet 1, de Marseille à Saint-Tropez
Première étape donc à Marseille, où la Cité radieuse s’encanaille un brin en programmant trois expositions estivales pour le moins originales. D’abord dans l’Appartement 50, la star du design allemand Konstantin Grcic installe sa production en ces murs subtilement restaurés, ouvrant un dialogue étonnant avec l’espace conçu par le maître. Non loin, la cellule 516 accueille une mini-rétrospective d’Absalon (1964-1993), as des « cellules habitables », avec une dizaine d’œuvres et une trentaine de dessins. Sur le toit-terrasse ensuite, le gymnase, lui, s’est carrément métamorphosé en centre d’art baptisé le « MaMo », contraction de « Marseille Modulor ». L’artiste Xavier Veilhan y montre un nouveau volet de son projet in progress, Architectones, déployant installations, sculptures, mobiles et autres stabiles, aussi bien dans le gymnase qu’à l’extérieur, sur la terrasse.
Depuis Marseille, il faut rejoindre Toulon avant d’atteindre la deuxième étape : Hyères. C’est dans cette ville que Robert Mallet-Stevens a bâti, en 1923, pour Charles et Marie-Laure de Noailles, un bijou d’architecture moderne : la villa Noailles. Plantée sur un promontoire dominant la baie d’Hyères, celle-ci se visite quasi en entier, y compris ses extérieurs, tel l’étonnant jardin cubiste signé Gabriel Guévrékian. La somptueuse demeure servit, notamment, de toile de fond à Man Ray pour son film surréaliste Les Mystères du château du Dé.
La balade se poursuit ensuite par Saint-Tropez, non pour une partie de pétanque sur la place des Lices, mais pour admirer un splendide vaisseau Art déco ancré sur une colline à l’entrée ouest de la ville : le Latitude 43. Cet ancien hôtel, construit en 1932 par Georges-Henri Pingusson, s’est aujourd’hui métamorphosé en résidence d’habitation. Depuis son inscription, il y a vingt ans, à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques, tout amateur d’architecture peut en explorer les parties communes. Surnommé à l’époque Le Paquebot, ce long édifice (plus de 100 m) affiche, à l’instar du Normandie lancé la même année, tous les atours du célèbre transatlantique : coursives, hublots, « cabine de pilotage » (l’appartement profilé du dernier étage), sans oublier une étonnante cheminée, dont on dit qu’elle aurait inspiré… Le Corbusier pour la Cité radieuse de Marseille.

Itinéraire 2 : de Mouans-Sartoux à Biot
Les découvertes n’étant pas uniquement l’apanage de la côte, notre route s’octroie une échappée dans les terres. À mi-chemin entre Cannes et Grasse, dans le village de Mouans-Sartoux, se trouve un singulier centre d’art contemporain : l’Espace de l’art concret. Ce lieu, créé à partir du fonds légué par l’artiste suisse Gottfried Honegger et sa compagne Sybil Albers, se compose de deux constructions distinctes : le château du XVe siècle, pour les expositions temporaires, et un bâtiment édifié en 2004 par le duo helvète Annette Gigon et Mike Guyer et dévolu aux quelque six cents œuvres de la collection, dont des créations d’Aurélie Nemours, de Richard Long, de Laurent Saksik, de Dan Flavin et de Bernar Venet. On ne peut le rater, tant sa couleur vert pomme détonne dans le paysage.
En reprenant la route vers l’est, on passe par Antibes. Pourquoi ne pas faire un crochet par l’atelier d’une figure de l’art abstrait, Hans Hartung ? Planté dans un parc truffé d’oliviers, il se compose en réalité de plusieurs « cubes » blancs, en l’occurrence la maison du peintre et de sa femme, l’artiste Anna-Eva Bergman, leurs ateliers respectifs, ainsi qu’une splendide piscine surplombant la baie d’Antibes.
En zigzaguant encore un peu dans les terres, on peut faire escale à Biot, au Musée national Fernand-Léger. Il faut gravir une longue rampe avant de découvrir l’édifice, construit en 1960 par l’architecte Andreï Svetchine, et sa façade sud arborant une mosaïque monumentale – 400 m2 – et polychrome. Les chefs-d’œuvre de Léger s’admirent à la fois à l’extérieur et à l’intérieur du musée, comme dans le hall d’entrée où se déploie un vitrail de 9 m de haut.
L’ensemble des espaces d’exposition a été revu et corrigé, en 2008, par Marc Barani.
D’un architecte à l’autre, à une poignée de kilomètres de Biot, on peut poursuivre encore ce périple dans l’arrière-pays et visiter l’incontournable Fondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence, splendide bâtiment aux toits incurvés érigé en 1964 par l’Espagnol Josep Lluís Sert. Ce lieu mythique de l’art moderne est exceptionnel d’abord par sa collection – Bonnard, Léger, Braque, Calder, Chagall, Miró, Giacometti… –, ensuite par sa situation, « parmi le thym et le romarin » (dixit le galeriste Aimé Maeght). Déambuler dans les jardins est un délice : on y croise, entre autres, une Femme debout et L’Homme qui marche – deux célèbres bronzes d’Alberto Giacometti –, voire on s’égare dans le Labyrinthe créé par Joan Miró.

Dernière étape, Roquebrune-Cap-Martin par Monaco
Si vous réchappez au dédale « miróesque », le temps sera venu de reprendre la route vers l’ultime étape : Roquebrune-Cap-Martin. En passant par Monaco, les fans d’art urbain auront droit à une surprise « cinétique ». Le père de l’Optic Art, Victor Vasarely, y a conçu Hexagrace : le ciel, la mer, la terre, monumentale mosaïque juchée sur le toit de l’auditorium de l’Orchestre philarmonique de Monte-Carlo. Quasi en apesanteur devant la grande bleue, celle-ci se contemple depuis la terrasse de l’hôtel Fairmont, sis entre le casino et la mer.
Roquebrune-Cap-Martin n’est qu’à un jet de pierre du Rocher, en direction de Menton. Là se trouve une construction minuscule et néanmoins mythique conçue par Le Corbusier : le Cabanon, bâti en 1952 et surplombant la mer. Les admirateurs du maître viennent du monde entier pour visiter cette « cahute » habillée de dosses en croûtes de pin maritime, à l’intérieur modeste dans ses dimensions, mais généreux dans ses solutions spatiales. « En bon sauvage », Le Corbusier aimait, paraît-il, beaucoup travailler dehors, à l’ombre du caroubier. Le panorama y est splendide.
En contrebas, on distingue un autre fleuron de l’architecture moderne : la villa E-1027 d’Eileen Gray. Pour la visiter, il faudra encore patienter jusqu’à l’achèvement des travaux de mise en sécurité du site, annoncé pour la fin de l’année. Une bonne raison pour revenir sur cette Côte d’art, d’architecture et… d’Azur.

Infos pratiques

À MARSEILLE, LA CITÉ RADIEUSE, « Konstantin Grcic/Apt. N°50 », Appartement n° 50, du 15 juillet au 15 août 2013, du mardi au samedi, de 14 h à 18 h, sans rendez-vous, entrée gratuite, www.appt50lc.org

« Absalon, habiter la contrainte », cellule 516, jusqu’au 20 septembre, www.cellule516.com

« Xavier Veilhan, Architectones », MaMo (sur le toit-terrasse), 280, boulevard Michelet, Marseille (13), jusqu’au 30 septembre 2013, www.mamo.fr

À HYÈRES, LA VILLA NOAILLES. Diverses expositions du 8e festival « Design Parade », montée de Noailles, Hyères (83), du 5 juillet au 29 septembre 2013, www.villanoailles-hyeres.com

À SAINT-TROPEZ, la résidence latitude 43. Entrée ouest de Saint-Tropez, sur la D98a.

À MOUANS-SARTOUX, L’ESPACE DE L’ART CONCRET, « Rêves d’architecture », Mouans-Sartoux (06), jusqu’au 27 octobre 2013, www.espacedelartconcret.fr

À ANTIBES, l’atelier du peintre Hans Hartung. Visite limitée à 30 personnes, tous les vendredis, à 14 h, Fondation Hartung-Bergman, 173, chemin du Valbosquet, Antibes (06), www.fondationhartungbergman.fr

À BIOT, LE MUSÉE NATIONAL FERNAND-LÉGER, « Le spectacle de la vie moderne », deuxième volet de l’exposition « Métropolis, Fernand Léger et la ville », chemin du Val de Pôme, Biot (06), du 6 juillet au 7 octobre 2013,

À SAINT-PAUL-DE-VENCE, LA FONDATION MARGUERITE ET AIMÉ MAEGHT, « Les aventures de la vérité/Peinture et philosophie : un récit », Saint-Paul-de-Vence (06), du 29 juin au 6 octobre 2013, www.musee-fernandleger.frwww.fondation-maeght.com

À MONACO, UNE ŒUVRE DE VICTOR VASARELY, l’œuvre Hexagrace : le ciel, la mer, la terre est visible depuis la terrasse de l’hôtel Fairmont Monte-Carlo, 12, avenue des Spélugues, Monaco (98).

À ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN, le Cabanon de Le Corbusier. Visite – minimum 4 personnes – les mardis et vendredis, à 9 h 30, sur inscription obligatoire. Tarifs : adultes 8 €, étudiants 5 €, gratuit pour les moins de 12 ans, office du tourisme, 218, avenue Aristide-Briand, Roquebrune-Cap-Martin (06), tél. 04 93 35 62 87.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°659 du 1 juillet 2013, avec le titre suivant : Promenade art et architecturesur la Côte d'Azur

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