Outil de propagande et cristallisation du souvenir, le portrait fut particulièrement plébiscité par Napoléon et les siens afin d’insister sur un destin dynastique, aussi épique que dramatique.
Au Grand Palais, la réunion de certains des portraits les plus célèbres de l’« Ogre » et de son entourage compose une fabuleuse anthologie artistique scandée par le politique mais aussi l’intimité. Des fastes aux coulisses du pouvoir, Napoléon fut l’objet consentant d’une traque incessante de la part des artistes permettant de mesurer l’enjeu du portrait en ce XIXe siècle naissant.
Un dieu parmi les hommes
Napoléon sur le trône impérial (1806) d’Ingres représente l’Empereur fastueusement vêtu de la panoplie solennelle, héroïque voire divine, d’un souverain désormais omnipotent.
Les artifices d’Ingres sont savants. Tout comme dans la splendide et marmoréenne Apothéose de Napoléon Ier (vers 1830) de Thorvaldsen qui emprunte à l’Antiquité ; le peintre s’inspire en effet d’une tradition archaïsante issue de Charlemagne. Il figure frontalement un Napoléon hiératique, symboliquement auréolé de son trône, et crée ainsi une image immémoriale et archétypique du pouvoir. Image dont Ingres déjoue les codes jusqu’à s’attirer les foudres de la critique puisque, sacrifiant à la stricte vraisemblance, il préfère s’adonner à une méticulosité virtuose.
Avec Napoléon dans son cabinet de travail aux Tuileries (1812), David propose une image inédite du souverain. Bien que nourrie d’une imagerie consacrée, tel le bras droit dans le gilet, et saluée comme étant d’une vraisemblance inégalée, des cheveux en bataille jusqu’à l’embonpoint, la peinture n’en est pas moins audacieuse. L’Empereur n’est plus cet autocrate irradiant mais un homme fatigué, surpris dans le dénuement de la trivialité d’un travail éreintant à 4 h 13 du matin comme l’indique l’horloge.
Le réalisme illusionniste de cet homme aux yeux cernés l’emporte sur l’iconographie et le décorum résiduels. Tel un paparazzi aux aguets, David livre ainsi une image confondante de modernité d’un homme également ordinaire.
Un homme parmi les siens
Depuis sa nièce Napoléone-Élisa Bacicocchi en Hébé (vers 1810) sculptée par Lorenzo Bartolini jusqu’au Roi de Rome (1811) et L’Impératrice Joséphine dans le parc de Malmaison (1805-1809) peints par Prud’hon, la généalogie napoléonienne ne cessa d’être figurée selon une oscillation permanente entre le portrait d’apparat, véhicule idéologique efficace, et l’album d’une famille presque comme les autres. Histoire de brouiller les pistes entre public et privé, épopée et confidentialité et de faire de Napoléon un dieu… de chair et de sang.
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Portraits publics et portraits privés... L’album de famille de Napoléon Ier et de son entourage
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°584 du 1 octobre 2006, avec le titre suivant : Portraits publics et portraits privés... L’album de famille de Napoléon Ier et de son entourage