Ugo Rondinone est un artiste qui sait habilement jouer des mises en scène. À Marseille pourtant, l’exposition monographique que lui consacre le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur doit à la fois tout et pas grand-chose à ce Suisse qui vit à Zurich et New York. Son compatriote Christoph Doswald, critique de son état, s’est en effet chargé de réunir quatre œuvres emblématiques des différentes recherches du créateur.
MARSEILLE - Celui qui suit de près depuis quelques années le travail d’Ugo Rondinone apprécie à sa juste valeur la capacité de cet artiste polymorphe à construire des atmosphères, à habiter l’espace, à modeler la lumière et à jouer des ambiances sonores. À chacune de ses expositions correspond un projet, une intervention qui, si elle n’est pas systématiquement inédite, n’en demeure pas moins adaptée, voire réadaptée au lieu. L’exposition de Marseille relève manifestement d’une tout autre logique, puisque si l’artiste a suivi son montage, elle n’a pas véritablement été conçue par le créateur. Christoph Doswald, qui est par ailleurs membre du comité technique du Frac, en est à la fois l’inspirateur et l’artisan. Sa démarche se veut en réalité toute pédagogique puisque les quatre pièces réunies correspondent à autant d’axes de recherche présents dans l’œuvre de Rondinone. Aussi, il faut lire la manifestation comme une succession de séquences, comme un (auto)portrait en quatre scènes autonomes et forcément fragmentaires.
L’exposition s’ouvre sur un long paysage d’environ 13 mètres, un ensemble de bandes de couleur noires, marron, blanches et roses. Cette esthétique “cyberomantique” est accompagnée d’un texte tout aussi léger : “It’s late and the wind carries a faint sound as it moves...” (il est tard et le vent porte, avec son mouvement, un son furtif...). Cette atmosphère d’une langueur qui n’a rien de monotone se retrouve dans son Diary, un ensemble de planches proches de la bande dessinée que l’artiste a constitué en 1992 et 2000 à l’image d’un journal intime. Ici, à côté de dessins noirs, se déploie un texte à la fois poétique et organique, inspiré et terre-à-terre. L’artiste nous livre ses impressions, ses pensées issues d’une vie qui n’est pas réellement la sienne. Plus loin sont présentées quelques photographies tout aussi inquiétantes, voire menaçantes, malgré leur esthétique séductrice. Ces images habilement titrées Moonlights semblent en effet relever d’une approche lunatique. Elles font face au clou de la manifestation, un espace qui clôt l’exposition et prend le visiteur par surprise. Là, dans une attitude détendue, attend un clone grandeur nature de l’artiste, debout, négligemment adossé contre un mur. Perdu dans ses pensées, et même perdu tout court, le pseudo Rondinone attend d’être guidé par d’autres voies, comme à la recherche d’un raccourci qu’il n’a jamais découvert. L’artiste est-il un extra-terrestre, un rêveur, un exhibitionniste, un mannequin ? Peut-être bien tout à la fois. C’est ce que semble en effet démontrer ce portrait à facettes.
- UGO RONDINONE, jusqu’au 8 septembre, Fonds régional d’art contemporain Provence-Alpes-Côte d’Azur, 1 place Francis-Chirat, 13002 Marseille, tél. 04 91 91 27 55, tlj sauf dimanche 10h-12h30, 14h-18h
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Portrait à facettes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°131 du 31 août 2001, avec le titre suivant : Portrait à facettes