Un peintre en marge, à l’inspiration débridée et au talent sans égal, repoussant les limites de l’abstraction. « No Limits, Just Edges », le titre de l’exposition consacrée aux œuvres sur papier de Jackson Pollock (1912-1956) pourrait également illustrer sa courte vie.
Si la postérité a laissé de lui le souvenir d’un danseur convulsif au-dessus de toiles vierges, sa carrière fut également riche de quelque sept cents œuvres sur papier, dont une soixantaine sont exposées au musée Guggenheim de New York. Aucun croquis, aucune ébauche de composition parmi ces travaux, mais des œuvres à part entière. Aquarelle, fusain, émail liquide, huile, les techniques sont variées, le support unique et l’écriture immuable.
L’évolution stylistique des œuvres sur papier est parallèle à celle des œuvres sur toile, articulée en quatre périodes. Figuratif à ses débuts, Jackson Pollock produit jusqu’en 1941 des œuvres empreintes de violence, perçues comme un exutoire à ses angoisses. Sa rencontre en 1943 avec Peggy Guggenheim lui fait entrevoir de nouvelles perspectives. Dès lors, ses œuvres apparaissent plus matures, en total rejet avec le surréalisme européen dont il s’inspirait à ses débuts. Les aplats de couleur se muent en calligraphies improbables, la palette s’intensifie, le chaos des premières œuvres s’harmonise.
En 1947, Jackson Pollock quitte New York pour Long Island. Cette date marque sa rupture radicale avec le figuratif ainsi que le rejet du contact avec le support. Projections, coulées, éclaboussures se chevauchent sur la toile comme sur le papier, le dripping prend toute sa puissance.
Si Pollock ne fut pas l’inventeur de cette écriture automatique, lui seul parvint à en repousser les limites. Au tournant des années 1950, le travail sur papier prend ses distances avec les œuvres de grand format. Pollock expérimente l’action conjuguée de médiums liquides et d’empilement de feuilles. Les premières giclées de peinture ou d’émail liquide maculent le haut de la pile tandis que la perméabilité du support imbibe les feuilles du dessous, créant ainsi un fond préparatoire aux œuvres successives.
La critique à l’encontre de son œuvre se faisant plus grinçante au fil des années, Jackson Pollock renoue avec ses démons. Ses œuvres pourtant plus lumineuses se développent sur des aplats très sombres. Les motifs s’éparpillent, se perdent dans des compositions maladroites avant que ses travaux ne se raréfient.
Paradoxalement, ce sera pendant cette ultime période stylistique que Pollock, « l’éternel incompris », gagnera une notoriété internationale, justifiant les propos du critique américain Rosenberg, « tout art profondément original a l’air vilain au début ».
« No Limits, Just Edges : Jackson Pollock Paintings on Paper », musée Guggenheim de New York, 1071 Fifth Avenue, New York, NY 10128-0173, USA, tél. (212) 423 3500, www.guggenheim.org, jusqu’au 29 septembre 2006.
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Pollock
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°582 du 1 juillet 2006, avec le titre suivant : Pollock