Seconde partie réussie du cycle d’expositions Action, on tourne, initié au printemps dernier par le Centre d’art de la Villa Arson, « Une mise en scène du réel : artiste/acteur » fait la part belle au spectateur. Dans un parcours d’une quinzaine d’œuvres, utilisant majoritairement le support vidéo, une dizaine d’artistes naviguent entre réalité et amorces de fictions.
NICE - Sous-titré “Gare de Nice”, S’il y avait un ailleurs autre que le désert (2000), la pièce conçue par Ugo Rondinone, apparaît comme un étrange prologue à l’entrée d’une exposition largement dominée par l’image vidéo. Transformées en sculptures par leur inclinaison à soixante degrés, les six cimaises de l’artiste suisse ravivent avec amusement le débat soulevé par Michael Fried et Robert Morris au milieu des années soixante sur le caractère théâtral de l’Art minimal : soumis à la diffusion sonore de la dispute lasse et sans fondement d’un couple, l’environnement aride vire rapidement au décor de film dans une ambiance cotonneuse chère à l’artiste. Mais plus que le passage de la sculpture au décor, c’est le glissement entre la réalité et la fiction qui taraude l’esprit du spectateur, amené à réinvestir les lieux par ses souvenirs, vécus ou cinématographiques.
Deuxième volet du cycle Action, on tourne mené par Laurence Gateau à la Villa Arson, l’exposition “Une mise en scène du réel : artiste/acteur”, opère de façon similaire : préservée de toute référence directe à l’univers du cinéma, la quinzaine d’œuvres présentées empruntent pourtant nombre d’éléments et d’états propres au septième art. La sensation d’entre-deux provoquée par l’environnement de Rondinone y anticipe ainsi celles vécues par les personnages de Buzzclub, Liverpool, UK/Mysteryworld, Zaandam, NL, (1996-1997), double projection de Rineke Dijkstra. Isolés de la foule, des adolescents filmés à la sortie d’une boîte de nuit s’y meuvent sur un fond blanc, accompagné d’une Techno sourde. En position d’observateurs, à la lisière de la piste et d’un investissement corporel plus fort, ils sont dans la situation ambiguë du spectateur de cinéma, amené à “rentrer dans la danse”. Loin du regard cru et froid de la vidéaste néerlandaise, le couple saisi par Laetitia Benat dans PNB 1999 (2000) maintient lui aussi le visiteur sur le seuil. Ralenti langoureusement, le baiser des deux amants se livre au regard, touche le spectateur par l’intermédiaire d’une onde sonore abasourdissante, mais reste ironiquement tenu à distance par un titre économique.
De la séance de maquillage de la Répétition 2 (1999) de Jordi Colomer, aux Exposure : dawn I-III (1997) de Marie-José Burki, projections en taille réelle de prostituées derrière leurs vitrines, en passant par la mise en abyme de la Promenade des Anglais (2000) de Philippe Durand, la majorité des œuvres intègre le spectateur dans un va-et-vient constant entre capture du réel et amorce d’un récit. Introduites par une boucle d’accords mélancoliques, les devantures d’immeubles niçois enchaînés dans Beautiful time, Nice, première partie (2000) de Laetitia Benat ne cessent ainsi de multiplier les faux départs d’un film à venir. Composé d’une structure gonflable sur laquelle est imprimée une photographie de cours d’eau, le Ruisseau (2000) de Philippe Durand, qui bruisse de sa propre soufflerie, s’impose, lui, comme l’élément d’une mise en scène peu illusoire mais bien réelle, loin de la machinerie photographique des Soliloquy (1998) de Sam Taylor-Wood. Ironie du sort, il revient à Alain Séchas, habitué à s’exprimer par félins interposés, d’endosser en fin de parcours le rôle du seul véritable artiste/acteur. Sur fond de musique punk, il s’impose comme le maître de cérémonie d’Animator (1997), long clip mêlant techniques d’animation et vidéo, résurgence lointaine des délires “satanistes” du Invocation of my demon brother de Kenneth Anger.
- UNE MISE EN SCÈNE DU RÉEL : ARTISTE/ACTEUR, jusqu’au 1er octobre, Villa Arson, 20 avenue Stephen-Liégard, 06105 Nice, tlj sauf mardi, 14h-19h, tél. 04 93 84 40 04.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°109 du 25 août 2000, avec le titre suivant : Plein écran