Difficile de resserrer en quelques lignes la densité enthousiaste du propos servi par le trio de commissaires à l’œuvre à la Villa Arson. Hypothèse flagrante : toute œuvre d’art relève d’une opération de traduction. C’est aussi ce que redit le saisissant I’m Too Sad to Tell You (1971), plan serré sur le visage de Bas Jan Ader, secoué de sanglots. À l’impossibilité annoncée de dire l’émotion, il substitue le caractère équivoque de sa représentation.
C’est ce fil spéculatif de déconstruction que tire l’exposition, qui s’intéresse moins aux modalités de traduction qu’à son impossibilité de principe. Ici, pas de transparence entre l’émetteur de départ et sa réception. Traduire relève du déplacement bien plus que de l’équivalence.
L’exposition, sèche, brillante et amphigourique à l’envi, n’aligne pas moins de quatre-vingt-dix œuvres, parmi lesquelles une délicieuse moisson d’icônes des historiques conceptuels. Mel Bochner expose deux versions d’un même texte, résultat d’une véritable tour de Babel. Suivent les performances inframinces du Tchèque Jiri Kovanda et Transfer Drawing (1971), l’éblouissante variation sur la transmission, le toucher et la vue signée Dennis Oppenheim.
Impossible et nécessaire, ainsi Derrida définit-il la double contrainte à l’œuvre dans la notion même de la traduction. Une double contrainte qui préside à la formulation de toute exposition thématique. Celle de la Villa Arson exige une longue infusion, mais s’impose comme indispensable piqûre de rappel quant aux outils avec lesquels jardine encore aujourd’hui un large pan de la scène française.
« Double Bind. Arrêtez d’essayer de me comprendre ! », Villa Arson, 20, av. Stephen-Liégeard, Nice (06), http://www.villa-arson.org, jusqu’au 30 mai 2010.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°623 du 1 avril 2010, avec le titre suivant : Plaît-il ?