Bacon revendique ouvertement l’influence de Picasso. L’exposition met en évidence la même recherche d’expressivité des deux peintres.
En 1927, Francis Bacon voit une exposition de dessins de Picasso chez Paul Rosenberg, exposition qui décidera de sa carrière. Soixante ans plus tard et cinq ans avant de mourir, Bacon ne peut s’empêcher de dire encore au critique d’art Michael Peppiatt combien il admire l’Espagnol. L’Anglais confie : « Pour trouver quelque chose qui m’intéresse vraiment dans ce siècle, je dois revenir à Picasso. » Et Bacon de préciser que ce sont surtout les œuvres de la fin des années 1920 et du début des années 1930 qui le passionnent : « Vous savez, les scènes de plage à Dinard où vous voyez ces figures très étranges fermant la porte de cabines de plage. Voilà pour moi le vrai réalisme, car il évoque la sensation totale de ce que c’est d’être sur la plage. » Pour Bacon, par-delà leur invention formelle, ces tableaux sont une source inépuisable de sensations, « ils sont comme les corridas. Une fois que vous les avez vus, ils restent gravés dans votre esprit ».
Une étonnante saga de l’homme
Si, toute sa vie, Bacon a été obsédé par l’image de la grande crucifixion de Cimabue, son admiration pour Picasso relevait d’un rapport de contemporanéité qui était encore plus sensible. La sorte de dialogue virtuel qu’il a entretenu avec lui se manifeste notamment par une iconographie de l’humain. Intitulé « The brutality of fact : Bacon/Picasso », le face-à-face que le musée Picasso consacre à ces deux monstres de peintres reprend en considération une formule chère au peintre anglais pour qualifier le type de relation qui le liait à son alter ego catalan. C’est dire la dimension expressive qui fonde leur démarche et la violence qu’elle évoque.
Quoiqu’ils aient vingt-huit ans de différence – Picasso (1881-1973), Bacon (1909-1992) –, tous deux abordent dans une semblable communauté d’engagement, les thèmes de la crucifixion, de l’étreinte et du cri. Sans qu’ils n’aient en eux rien de véritablement religieux, ni de mystique, Bacon et Picasso partagent une même approche de la peinture dans un rapport à la matière et cette façon qu’elle a de pouvoir exprimer une présence. C’est-à-dire incarner un corps, une figure. De même leur œuvre est-elle forte d’une dimension autobiographique qui les rassemble, du moins confère à chacune d’elles une troublante qualité qui mêle réalisme et vision. À ce compte, organisées dans un parcours comme celui que propose le musée Picasso, les œuvres de l’un et de l’autre composent comme une étonnante saga de l’homme, qui va de l’universel au « biographème » pour reprendre une formule chère à Roland Barthes, tant il est vrai que tout est sujet de peinture. Surtout, comme le disait Picasso, que la peinture leur fait faire ce qu’elle veut. « Je veux peindre le cri », proclamait Bacon qui abordait quant à lui le genre du portrait comme « un fleuve de chair ».
« The brutality of fact : Bacon/Picasso », PARIS, 5 rue de Thorigny, IIIe, tél. 01 42 71 25 21, 1er mars-30 mai. (Cf. Biographie de Bacon, p. 44-49.)
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Picasso/Bacon, face-à-face
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°567 du 1 mars 2005, avec le titre suivant : Picasso/Bacon, face-à-face