Nous croyions en avoir fini avec Picasso, tout connaître. Or, une collection d’une centaine d’œuvres – essentiellement des dessins réalisés entre 1970 et 1973 – sort de l’ombre. Elle appartenait à ses anciens domestiques, Jacqueline et Maurice Bresnu, et sera exposée à partir du mois prochain au Palazzo Marino Alla Scala de Milan.
MILAN - Pablo Picasso a eu à son service à partir de 1967 et jusqu’à sa mort, le 8 avril 1973, un couple de domestiques, Jacqueline et Maurice Bresnu, avec qui il a entretenu des liens d’amitié. Des photographies, des cartes postales en témoignent, mais surtout la centaine d’œuvres – dessins, gouaches, pastels et céramiques – que l’artiste leur a offertes. La majeure partie de la collection est constituée de dessins datés du 5 avril 1970 au 26 décembre 1972, alors que Picasso atteignait sa quatre-vingt-dixième année. Un carnet des 24 et 25 septembre 1965, de Nîmes, les complète. Vingt jours avant sa mort, il dédicaçait encore un dessin à Maurice Bresnu, qu’il avait surnommé Nounours : "Pour Nounours, mon ami, Picasso, le 19 mars 1973".
Pendant vingt ans, les Bresnu n’ont jamais montré ces œuvres au public. "Nounours" est décédé en 1991, et son épouse vient de céder l’ensemble à la Fondation Stratton, présidée par Benjamino Levi, qui l’exposera à partir du 3 octobre et jusqu’à fin décembre au Palazzo Marino Alla Scala de Milan, un palais du XIXe siècle réaménagé par l’architecte Vittorio Gregotti pour la maison Trussardi. Ce même mois, à Paris, le Grand Palais reprendra la monographie consacrée à la représentation de la figure humaine dans l’œuvre de Picasso, qui est présentée jusqu’au 17 septembre au MoMA de New York.
Picasso a été un infatigable dessinateur. "À douze ans, je dessinais comme Raphaël", affirmait-il avec son aplomb habituel. Ses carnets livrent un journal de sa création mais, pour lui, le dessin n’était pas seulement préparatoire à l’œuvre peinte, il avait sa vie autonome.
Comme le relève Roger Passeron dans le catalogue publié par les éditions Umberto Allemandi, la plupart des dessins nouvellement exposés "ne sont pas des études pour des peintures ou des gravures. Les peintures qui ont été réalisées pendant cette même période n’ont aucune parenté avec ces dessins". Aucun sujet masculin isolé ne trouve place dans les dessins ni aucun portrait – hormis le dernier –, alors que les tableaux reprennent ce thème. Par ailleurs, "la facture est ingresque sur de nombreux dessins, ce qui n’est le cas pour aucune des peintures".
Dans ces dessins, Picasso a réintroduit des visages qui étaient familiers dans ses travaux antérieurs. Ainsi, sur ceux d’avril, retrouve-t-on une "sœur" de la femme espagnole âgée, austère, la tête recouverte d’un foulard, qu’il avait portraiturée pour la Célestine.
Jusqu’à ses derniers jours, Picasso a travaillé sans relâche. En témoignent les 347 gravures réalisées en 1968, en moins de sept mois, et les 200 tableaux peints entre 1970 et 1972, exposés au Palais des Papes à Avignon. Ces "nouvelles" œuvres en sont une preuve supplémentaire : Picasso ne se contentait pas d’un dessin unique, un trait de crayon en provoquait un suivant, puis un autre encore. Le thème du couple nu lui a inspiré onze feuilles en une seule journée, le 8 novembre 1971.
Après Milan, la Fondation Stratton qui, l’an dernier, avait organisé l’exposition controversée des sculptures de Dali, place Vendôme à Paris, envisage de présenter ces dessins dans des musées français, suisses, allemands, espagnols, japonais, coréens…
PABLO PICASSO, LA COLLEZIONE NASCOSTA (La collection cachée), du 3 octobre à la fin décembre, Palazzo Marino Alla Scala, Milan.
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Picasso encore inédit
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°28 du 1 septembre 1996, avec le titre suivant : Picasso encore inédit