Petite Galerie du Louvre, un bel exercice de style, mais hors sujet

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 8 novembre 2016 - 816 mots

Consacrée au corps en mouvement, la deuxième exposition du nouvel espace du Louvre dévolu à l’éducation artistique et culturelle ne remplit toujours pas sa mission.

Paris - Apprendre à regarder les œuvres est une chose trop grave pour être confiée à des conservateurs. Détournant la phrase de Clémenceau à propos de la guerre et des militaires, voilà ce qu’un esprit moqueur pourrait conclure de la deuxième exposition de la Petite Galerie du Louvre. Les reproches que nous formulions à l’encontre de l’exposition inaugurale sur les « Mythes fondateurs » (lire le JdA n° 445, 13 nov. 2015) s’appliquent à nouveau. Conçue comme un espace d’éducation artistique et culturelle ouvert à tous, la Petite Galerie est plus encore que l’an dernier un lieu d’exclusion.

Le sujet, puisé « dans les thèmes du programme des enseignements pratiques interdisciplinaires », est la représentation du corps en mouvement par les artistes au cours des siècles. Un sujet formidable pour apprendre à regarder une œuvre et raconter l’histoire de l’art. Hélas, la scénographie, désespérément classique, est de celles que l’on a coutume de retrouver dans les expositions : une succession d’œuvres en grand nombre, des panneaux d’introduction très généraux et des cartels trop denses. On comprend d’autant moins ce conformisme que l’exposition est précisément destinée au public le moins averti. Ce formatage se voit même ici caricaturé : avec 70 œuvres présentées sur 240 mètres carrés, le regard ne sait plus où se poser, prendre son temps et suivre la démonstration. Le champ visuel est sollicité par un trop grand nombre d’objets à la fois. Fort heureusement, le décor tout blanc, voire cliniquement blanc par son éclairage, aide à fixer l’attention sur les œuvres. Autre point positif, le Louvre est allé principalement puiser dans ses collections – et un peu à Orsay et au Musée national d’art moderne – en évitant les objets trop magnétiques tel le buste de Dark Vador sur lequel la communication de l’exposition était fondée l’an dernier. Il a cependant cédé aux sirènes de la séduction publicitaire en accordant une grande place à la danse, au point de brouiller le thème de l’exposition. Si la danse est le plus gracieux des mouvements, elle aurait mérité une exposition à part entière.

Pourtant la configuration des lieux permettrait de créer des séquences et de retenir une à deux œuvres par section ; un matériel pédagogique visuellement adapté expliquerait ensuite au visiteur ce que l’on veut lui montrer dans l’œuvre. Ce type de scénographie serait d’autant plus approprié que le discours du Musée du Louvre semble avoir évolué. L’an dernier, le musée visait plusieurs publics à la fois, les primo-visiteurs du Louvre à qui l’on offrait une sorte de résumé des collections, le public peu averti et les jeunes. Cette année, l’accent est mis sur les jeunes et leurs accompagnateurs (parents, enseignants, animateurs) – entendez médiateurs. Mais, encore une fois, il faudrait limiter le corpus pour qu’un groupe puisse stationner devant une œuvre sans gêner le regard sur les autres. La voie pédagogique à suivre est pourtant connue, avec les documentaires de la série « Palettes » d’Alain Jaubert. Certes une exposition diffère d’un documentaire vidéo, mais il appartient à la Petite Galerie d’expérimenter des moyens nouveaux pour apprendre à regarder une œuvre. Plus fâcheux, l’application pour smartphone, qui devrait permettre toutes les audaces pédagogiques, est d’une rare pauvreté se résumant à douze œuvres commentées par Benjamin Millepied (lire l’entretien ci-dessous), lequel livre surtout des commentaires personnels et subjectifs. Malgré son incapacité à faire œuvre pédagogique, cette exposition est un superbe exercice de style. Le patron du Louvre a tenu à en être lui-même le commissaire. C’est intelligent, riche, subtil, à l’instar de La Crucifixion aux anges de Charles Le Brun, sur lequel Jean-Luc Martinez s’est attardé lors de sa présentation aux journalistes, insistant presque comme une provocation – s’agissant du thème de l’exposition – sur l’apparente immobilité du corps du Christ. Cela ne peut que plaire à ses pairs, mais c’est hors sujet.

Un parcours en 4 actes

Sur le papier – dans la pratique c’est moins lisible -, le parcours comprend quatre étapes. Une première salle fait office d’introduction en montrant comment les différentes disciplines, sculpture, dessin, ont représenté le mouvement. Suit une section censée expliquer comment les premiers artistes, ne sachant pas comment représenter le mouvement, ont adopté des codes pour suggérer celui-ci : la jambe gauche mise en avant dans la statuaire égyptienne, le contraposto (chiasme) grec… La troisième salle, plus grande, accueille les deux derniers thèmes, l’un sur la décomposition du mouvement, l’autre sur la danse. La chronophotographie d’Edward Muybridge bien sûr, mais aussi un tableau de Filippino Lippi qui représente plusieurs épisodes de la vie de Virgile dans un même lieu, illustrent notamment la division du temps. Des statuettes grecques sont là pour rappeler que Nijinski et Isadora Duncan se sont inspirés l’un et l’autre des représentations antiques de la danse pour concevoir leur chorégraphie.

Corps en mouvement

La danse au musée, jusqu’au 3 juillet 2017, Musée du Louvre, Petite Galerie, aile Richelieu, Paris, tél. 01 40 20 53 15, tlj sauf mardi 9h-18h, mercredi et vendredi jusqu’à 21h45, petitegalerie.louvre.fr. Catalogue, coéd. Louvre/Seuil, 156 p., 29 €.

Légende Photo :
Impression écran du site petitegalerie.louvre.fr

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°467 du 11 novembre 2016, avec le titre suivant : Petite Galerie du Louvre, un bel exercice de style, mais hors sujet

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque