S’éloignant de l’effervescence de l’avant-garde new-yorkaise des années 1960, le photographe américain, Peter Hujar s’est replié dans une démarche indépendante, discrète et austère.
Paris. Peter Hujar a été l’une des figures de l’underground new-yorkais des années 1960-1980. Le retour sur son itinéraire – le premier du genre en France – dresse le portrait sensible d’une création photographique indissociable de la vie de son auteur, de ses amours, de ses amitiés et de son attachement à New York. « Il fait partie de cette génération qui a clairement revendiqué son homosexualité sans être vraiment activiste », souligne Quentin Bajac, directeur du Jeu de paume et à l’origine de la venue en France de cette rétrospective, conçue par la Morgan Library & Museum de New York, propriétaire du fonds Hujar, et par la Fundación Mapfre.
Projetés en préambule, les deux courts portraits filmés par Andy Warhol à la Factory, en 1964, montre un jeune homme de trente ans, longiligne, brun, posant seul, le visage impassible et au regard noir peu accommodant. Ces films évoquent une époque, une personnalité aussi, qui allait rapidement se montrer rétive à la notoriété et aux mondanités, à la différence d’un Robert Mapplethorpe avec lequel il ne s’entendait d’ailleurs guère, et inversement. Peter Hujar ne vint que très peu de temps à la Factory, tout comme il fut photographe de publicité et de mode brièvement, préférant vivre dans un certain dénuement pour ne se consacrer qu’à son propre travail.
Dans son œuvre, dominent le portrait en plan rapproché et une attention portée aux positions, parties ou métamorphoses des corps. Peter Hujar photographie surtout ses proches chez lui ou dans d’autres intérieurs. On croise des inconnus et des personnalités telles que Susan Sontag, William S. Burroughs, Paul Thek ou David Wojnarowicz. Ses portraits sont empreints d’un grand classicisme, simple, direct, dépouillé, intime, et d’une certaine empathie. Enfants, nouveaux-né, animaux ou végétaux particulièrement présents sont traités de la même manière, comme son regard sur la nature et la vie urbaine à New York.
On ne décèle pas d’évolution dans son travail, plutôt une constance dans la manière de parler de ce qui fait son univers. Seuls le temps et la mort inscrivent leurs traces sur les visages ou les corps. L’accrochage de la dernière salle, vision synthétique en soixante-dix photographies librement regroupées et inspirées de la dernière exposition de Peter Hujar à East Village, se révèle particulièrement émouvante.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°536 du 3 janvier 2020, avec le titre suivant : Peter Hujar, au rythme de la vie