Le Musée Picasso, à Paris, revient sur la genèse de l’aventure cubiste du maître espagnol.
PARIS - « Il faut qu’on voie le travail, c’est par la quantité de travail fournie par l’artiste, que l’on mesure la valeur d’une œuvre d’art », tels sont les mots de Guillaume Apollinaire placés en exergue de l’exposition « Picasso Cubiste » organisée à l’hôtel Salé jusqu’au 7 janvier 2008.
L’institution parisienne propose de se replonger dans le travail de Picasso entre les années 1906 et 1924, l’une de ses périodes les plus fécondes. Plus de 350 numéros retracent les deux décennies au cours desquelles l’artiste invente le cubisme aux côtés de Braque, avant de poursuivre son chemin en solitaire après la Première Guerre mondiale. Cette époque charnière voit Picasso, arrivé à l’orée de l’abstraction, explorer dans ses toiles les limites de la représentation du réel, puis le réintroduire par le biais des assemblages et du collage.
Les visiteurs espérant lire la légende dorée du cubisme risquent cependant d’être déçus. L’accrochage ne présente pas de toiles de Braque et la période de bravoure des années 1909-1911 bénéficie d’un traitement assez lacunaire. Le chapitre consacré à la genèse des Demoiselles d’Avignon (1907) est en revanche particulièrement riche. Les Demoiselles n’étant plus prêtées par le Museum of Modern Art de New York, le Musée Picasso dévoile tout ce qu’il possède pour en expliquer la naissance : tableaux, dessins, sculptures africaines et océaniennes documentent la construction de cette œuvre phare.
La fin du parcours s’attache au moment où, autour de 1912, Picasso invente le collage. Cette pratique avait cependant déjà fait irruption dans un dessin de 1908 présent dans l’exposition, Le Rêve, une œuvre trop souvent oubliée.
L’expérimentation était une pratique quotidienne chez Picasso, comme en témoignent les derniers espaces qui présentent l’artiste en bricoleur. Des morceaux inutilisés de guitare, de bouteilles, de cartes à jouer sont ainsi rassemblés dans une vitrine comme autant d’éléments de l’alphabet cubiste. Un peu plus loin, des fragments de papiers peints, des rognures de carton, ou des rebus griffonnés rappellent que la démarche cubiste relève autant de la recherche picturale que du ready-made. La remise en cause de la représentation classique s’opère ici aussi bien par le refus de la perspective albertinienne que par l’intégration dans l’espace pictural de « morceaux de réel ». Dans le catalogue de l’exposition, l’historien Pepe Karmel écrit à propos du cubisme qu’« au lieu de représenter une action, il restituait un état mental ». C’est aussi le cas de l’exposition « Picasso cubiste »
Jusqu’au 7 janvier, Musée Picasso, Hôtel Salé, 5, rue de Thorigny, 75003 Paris, tél. 01 42 71 25 21, tlj sauf mardi, 9h30-17h30. Catalogue coédition RMN/Flammarion, 367 p., 49 euros, ISBN 978-2-0812-0697-7.
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Périodes d’incubation
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°266 du 5 octobre 2007, avec le titre suivant : Périodes d’incubation