Peindre sur l’albâtre, le lapis-lazuli...

Le Journal des Arts

Le 17 novembre 2000 - 601 mots

Les peintures sur pierre des XVIe et XVIIe siècles étaient une des passions de l’historien d’art Federico Zeri. Ce n’est donc pas par hasard si l’exposition d’une collection privée milanaise présentée pour la première fois au public, au Palazzo Reale de Milan, est dédiée à sa mémoire.

Milan (de notre correspondante) - Les deux cents peintures sur pierre composant l’exposition de Milan seront présentées dans la Salle des huit colonnes du Palais-Royal, l’un des espaces rénovés lors de la restauration du Piano Nobile. Le rassemblement de ces œuvres d’ardoise, de paesina (une pierre marron courante dans le nord de l’Italie, dont la texture évoque des paysages), de marbre, d’albâtre, de lapis-lazuli, d’améthyste ou de jaspe noir, est le fruit de trente ans de recherche. Federico Zeri avait consacré toute son attention à cette collection, comme en témoigne dans le parcours, le documentaire tourné en 1996 par Anna Zanoli dans lequel il confesse la difficulté d’identifier les auteurs de ces précieuses petites peintures, “véritables énigmes pour les historiens d’art”. Les études spécifiques consacrées à ces œuvres sont très rares : en effet, le support ne consent pas à la peinture la même liberté que dans les techniques sur toile ou sur bois, leur attribution est donc rendue plus difficile. “Parmi les peintres dont on ne soupçonnait pas l’activité sur pierre, explique Bona Castellotti, conservateur de la collection, on a découvert Giovanni Bilivert, que Baldinucci cite comme artiste au service de Cosme II de Médicis, Bernardino Campi en Lombardie, et Giacomo Schedoni à Bologne, auteur d’une Madonne à l’enfant. On note aussi d’Anton Maria Vassallo à Gênes, et de Claudio Ridolfi, auteur de deux Baptêmes et d’une Annonciation.”

Grand succès en Toscane
Ce type de peinture connut un grand succès en Toscane, notamment à cause de la présence de la pierre paesina, exploitée à Volterra et dont les veines bariolées servaient de paysage de fond. Mais la pratique n’en était pas moins répandue à Rome où, depuis le XVIe siècle, Sebastiano del Piombo avait peint sur ardoise la grande Nativité de la Vierge pour l’église Santa Maria del Popolo, ouvrant une voie souvent explorée ensuite par d’autres peintres. Rubens, par exemple, peignit sur pierre le retable du maître-autel de Santa Maria Nuova à Rome, peut-être pour le protéger de l’humidité de l’endroit. Parallèlement aux grandes œuvres, les peintures de cabinet se sont multipliées dans les villes. Ces objets coûteux étaient destinés à des collectionneurs qui appréciaient dans ces pièces, comme l’expliquait Zeri, “leur côté rare et capricieux. Le mouvement des veines de la pierre devenait en effet partie constituante de la composition : c’était un véritable tour de force intellectuel et ceci explique le succès que des peintures de ce genre ont eu dans un art raffiné et précieux comme le Maniérisme international”. Beaucoup d’œuvres étaient réalisées sur albâtre ou d’autres pierres translucides, comme le clou de la collection, le Paysage de la mer Rouge d’Antonio Tempesta, plus riche et mieux composé que le paysage analogue de la collection Doria Pamphilii de Rome ; d’autres sont exécutées sur des pierres exotiques et coûteuses telle le lapis-lazuli. En Vénétie, la tradition, née dans l’atelier des Bassano, rencontre au XVIIe siècle un vaste succès à Vérone avec des peintres comme Alessandro Turchi, Pasquale Ottino et Claudio Ridolfi. Ceux-ci se servaient du jaspe dont l’aspect sombre et brillant offrait des fonds dramatiques aux scènes sacrées, leur conférant ainsi une connotation de mystère et de religiosité.

- Pierres peintes. Œuvres sur pierre des XVIe et XVIIe siÈcles. Du 22 novembre au 25 février, Palazzo Reale, piazza Duomo, Milan, tél. 39 02 84 54 01, tlj sauf mardi, 9h30-18h30.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°115 du 17 novembre 2000, avec le titre suivant : Peindre sur l’albâtre, le lapis-lazuli...

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