À la fin du XIXe siècle, de jeunes peintres danois, finlandais, norvégiens et suédois se rendent dans l’ensemble des régions côtières de l’Ouest de la France pour pratiquer la peinture de plein air, dans le sillage de l’École de Barbizon et des impressionnistes. Le Musée des beaux-arts de Caen, à travers un peu moins d’une centaine d’œuvres – essentiellement des petits formats –, analyse l’importance des paysages naturels dans l’inspiration et la formation de ces artistes nordiques en quête de modernité et de liberté.
CAEN - “Un océan multicolore d’une merveilleuse beauté, l’éclat du soleil, des roches et du sable brun. Des personnes de petite taille aux têtes rondes, pleines de vivacité ainsi que de belles Bretonnes habillées de noir portant des coiffes blanches aux formes variées.” Le peintre danois Laurits Tuxen décrit ainsi sa première rencontre avec Saint-Malo. Il fait partie des jeunes peintres sortis d’écoles des beaux-arts nordiques, venus en France dès les années 1860. Ses toiles Pêcheurs français (1880) et À marée basse, au clair de lune, Portel (1888), semblables à des instantanés photographiques, s’inscrivent dans la tradition naturaliste, largement représentée dans l’exposition. À l’image de Maria Wiik, avec une œuvre comme Dehors dans la vie (1889), certains artistes adoptent un style résolument réaliste, édifiant ou sordide, évoquant les dures conditions sociales du monde rural. Dans Une sardinerie à Concarneau (1879), Peder S. Krøyer popularise la vie des ouvriers à travers une composition en diagonale, soulignée par une lumière jaillissante. Si certains artistes se cantonnent à observer la mer, les plages, les populations de pêcheurs ou de paysans, d’autres poussent l’émancipation jusqu’à élaborer un “Impressionnisme nordique”, notamment les Suédois lors de leurs différents séjours en Normandie.
Un catalyseur d’énergie
La région se révèle être un “incroyable catalyseur d’énergie”, explique Alain Tapié, commissaire de l’exposition. Les Suédois Carl F. Hill, Per Ekström, August Strinberg, Richard Bergh, rejoints ponctuellement par Laurits Tuxen et les Norvégiens Frederik Collett et Frits Thaulow, sont confrontés, malgré leur solide formation réaliste, au “sentiment de la nature”, qui transforme le paysage en source créatrice de couleurs. Entre 1873 et 1877, Carl F. Hill épure le motif par un usage du couteau à palette, et donne naissance à une forme d’Impressionnisme “existentiel”. Il décrit alors sa peinture en ces termes : “Imaginez une surface sale qui de près donne l’impression d’un tas d’ordures. On y voit tout simplement rien du tout. Mais, vus à distance, l’air et la lumière, ainsi que les objets prennent consistance. Voilà ce que l’on appelle réalisme, effet. Et c’est là la seule peinture possible.” Dans la série de ses marines à Luc-sur-Mer (1876), il peint “la mer comme un marécage”. La marée basse lui révèle tout un monde grouillant d’organismes, une végétation sous-marine, des cailloux polis par l’eau et des anfractuosités où se cachent des coquillages et des poissons, spectacle qui lui inspire une étincelante mosaïque. August Strinberg a lui aussi été marqué par les plages et les falaises normandes, baignées de lumière brumeuse. Son Rivage (1894), toile quasiment abstraite, annonce une peinture résolument moderne. Le choix des œuvres, en majorité des esquisses et études, donne une vision très orientée de ces artistes.
- PEINTRES DU NORD EN VOYAGE DANS L’OUEST – MODERNITÉ ET IMPRESSIONNISME (1860-1900), jusqu’au 27 août, Musée des beaux-arts, Le Château, 14000 Caen, tél. 02 31 30 47 70, ouvert tlj sauf mardi, 9h30-18h. Catalogue, 184 p., 170 F.
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Peindre au grand air
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°130 du 29 juin 2001, avec le titre suivant : Peindre au grand air