Paz Errázuriz, la voix des invisibles

Après une rétrospective marquante aux Rencontres d’Arles en 2017, la première en France, le retour sur son œuvre que propose Béatrice Andrieux à la Maison de l’Amérique latine retrace finement son parcours, indissociable de ses engagements durant la dictature militaire d’Augusto Pinochet. L’articulation entre les séries emblématiques et celles qui sont montrées pour la première fois en Europe, démontre la constance du regard de la photographe sur celles et ceux que l’on n’entend ni ne voit. Se profile également, très vite, la dominante du portrait et du noir et blanc, malgré quelques travaux en couleur comme cet inédit de 2019, sur des jeunes femmes en prison. Mais c’est surtout ses portraits en noir et blanc qui retiennent l’attention : ceux des démunis dormant dans les rues de Santiago, ses portraits de boxeurs, de travestis prostitués ou de Kawésqars, un peuple vivant à la pointe australe de la Patagonie. De sa série de 2016 Sepur Zarco, pour la première fois montrée en France, émane la même intensité évocatrice. Portant le nom d’une région du Guatemala, ces portraits révèlent le visage des quinze femmes qui sont sorties de leur silence pour témoigner, lors d’un procès, des violences sexuelles que leur ont infligées les soldats de la junte militaire durant le conflit armé qui les opposa aux groupes de guérillas, entre 1960 et 1996.