Paul Rebeyrolle, épaulé par sa femme Papou, préparait depuis plusieurs mois deux grandes expositions. Il est décédé le 7 février dernier.
Rebeyrolle est un homme de conviction, engagé dans une lutte jamais achevée contre l’injustice et l’intolérance, amoureux de la nature, de la vie et du vin, ses tableaux sont des gueulantes mais toujours généreuses, parfois féroces. Deux expositions lui rendent hommage. L’exposition « Plongeons dans la peinture » célèbre les dix ans de l’espace Paul Rebeyrolle, centre d’art consacré à la présentation permanente des œuvres de l’artiste dans sa ville natale, Eymoutiers, située à quarante kilomètres de Limoges. Le centre organise également chaque été une exposition temporaire. Cette année, la totalité des cimaises accueille un ensemble de plus de cinquante œuvres de Rebeyrolle, allant de 1950 à 2004, la plupart n’ayant jamais été montrées. La Grande Truite (1962), rivière de peinture passant du vert au blanc, dans laquelle se fond l’insaisissable animal, n’annonce pas encore les toiles des séries à venir, aux intitulés sans ambiguïté : Guérilleros ; Les Prisonniers ; Faillite de la scène bourgeoise ; On dit qu’ils ont la rage, etc. Ces cycles engagés sont ponctués par des thèmes moins engagés : des nus, des sangliers, de grands paysages. Parfois émerveillé par la richesse de la nature brute, il est un peintre d’histoire, sans concession face à la brutalité de ce monde fabriqué par l’homme. Ainsi Homme saignant du nez (1980) de la série Les Évasions manquées : une corde rompue, deux modestes souliers, au centre une forme humaine, empreinte de peinture blanche, juste un peu de rouge près de la tête. L’artiste montre sans emphase l’abandon, la solitude totale du prisonnier. Amalthée (1997) de la série Le Monétarisme est une toile mythologique. Rebeyrolle choisit ici la version où Amalthée est cette chèvre qui élève secrètement Zeus, le soustrayant aux recherches de Cromos qui voulait le dévorer. L’une des cornes d’Amalthée devint la corne d’abondance. Des « portraits » et un film de Gérard Rondeau enrichissent cette exposition en mettant en avant non seulement la puissance, mais l’humanité et la tendresse du peintre.
Une jubilation puissante
Une seconde exposition complète admirablement la première sur 1 400 m2 avec soixante-dix toiles dont certaines arrivent directement de l’atelier du peintre. Elle est présentée dans un lieu ouvert en 2004, en Alsace : l’espace d’art contemporain Fernet Branca à Saint-Louis. Là aussi des toiles étonnantes : Bacchus sortant de l’ombre (1997), regard sur le désir et la volupté, silhouette sans tête, hymne à la vigne et au vin ou La Folie, Implosion II (2004), l’une des dernières œuvres de l’artiste. On y voit un grand corps blanc et de deux petits corps bizarrement mêlés au grand, tourmentés, tous les trois étrangement vivants. Paul Rebeyrolle, homme jamais satisfait du monde tel qu’il est, est aussi le peintre d’une jubilation puissante, parfois inquiète, construisant ses œuvres non seulement avec des couleurs traditionnelles mais aussi avec les ressources de la terre : branchages, pierres, plumes, champignons, poils, sable, ossements… et le produit du travail de l’homme : grillages, tissus, ferraille, papiers. Il ne concevait la peinture que comme un combat, ces deux grandes expositions montrent à l’évidence qu’il l’a gagné.
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Paul Rebeyrolle, la rage de la peinture
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Abonnez-vous dès 1 €EYMOUTIERS (87), espace Paul Rebeyrolle, route de Nedde, tél. 05 55 69 58 88, 26 juin-3 novembre. « Paul Reyberolle, peintures », SAINT-LOUIS (68), espace d’art contemporain Fernet Branca, 2 rue du Ballon, tél. 03 89 69 10 77, jusqu’au 31 octobre.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°571 du 1 juillet 2005, avec le titre suivant : Paul Rebeyrolle, la rage de la peinture